En 420 avant J.-C., Socrate se lâche: "Notre jeunesse d'aujourd'hui est mal élevée. Elle se moque de l'autorité et n'a plus de respect. Nos enfants répondent à leurs parents et bien souvent bavardent au lieu de travailler." Petit coup d'œil en arrière...: environ 2500 ans avant lui, quelqu'un inscrit ces mots sur une poterie d'argile, retrouvée à Babylone: "Les jeunes gens d'aujourd'hui sont paresseux. Ils ne seront jamais comme la jeunesse d'autrefois. Seront-ils capables de maintenir notre culture?" Petit coup d'œil en avant...: vers 1980 après J.-C., mon grand-père Ernest affirmait qu'il n'y avait plus de jeunesse. Conclusion perpétuelle: la jeunesse d'hier savait se tenir tandis que la jeunesse d'aujourd'hui fait n'importe quoi. Ce non-sens comique traverse les âges, sérieux comme un pape. Au point qu'il se trouve toujours quelqu'un pour lui faire faire une bonne guerre, à la jeunesse, histoire de la soigner. Et ça soigne, une bonne guerre, ça soigne... Technique infaillible de la table rase, de la place nette. Mon psy favori me dit que cela peut s'expliquer par un complexe général des vieux par rapport à ceux qui n'éprouvent pas de difficultés à honorer leur amoureuse, mais je laisse la responsabilité de ces paroles à ce psy malin...
Il n'est pas rare qu'on m'interroge sur la "jeunesse d'aujourd'hui", qu'on me demande de confirmer que c'est bel et bien de pire en pire, d'assurer qu'on n'a effectivement jamais vu ça avant, de témoigner du fait épouvantable qu'on a "cette fois" touché le fond. Mais cette question pose un problème de logique: si "cette fois" on touche le fond, comme dans les années 1980, comme il y a 2000 ans, comme il y a 3000 ans, quelque chose cloche. Ou alors c'est qu'on creuse sous le fond du fond de la mer, depuis au moins 3000 ans. Strate après strate, on s'enfonce dans la glaise, dans la roche, dans les entrailles de la terre au point de la traverser de part en part jusqu'à se retrouver à l'air libre, pas très loin de la Nouvelle-Calédonie, en se demandant ce qu'on fout là. Bref, en clair, déjà par pure logique, loin de confirmer, je démens. Non, bien sûr que non, ce n'est pas pire qu'avant. Que cela soit de plus en plus pire, comme disait ma fille à 6 ans, n'a de sens que pour une enfant de 6 ans. Juste, à toutes les époques, on devient vieux, et depuis au moins 3000 ans on se laisse toujours aller à jalouser ceux qui deviennent jeunes.
D'où ce mauvais procès d'intention que l'on fait à mes élèves.
Anecdote...
C'était il y a quelques semaines. Lisant avec effroi l'inscription "Association de malfaiteurs" sur le tee-shirt de l'un de mes élèves, on ne manque pas de m'interpeller: "Voilà! Voilà vos jeunes! Voilà l'éloge de l'incivilité! Que dites-vous de ça? Est-ce qu'on a jamais vu une chose pareille?" J'ai tenté d'expliquer le fond de ma pensée à l'énervé qui venait de trouver sa preuve par neuf de l'aveuglant manque de respect de ces jeunes. J'ai tenté - sans succès - d'expliquer ceci...: chaque matin je me lave les cheveux avec un shampoing qui annonce, en toutes lettres, la couleur: "Gel douche Provocation", tandis que mon fils préfère laver les siens avec un produit d'une autre marque, taillé pour des cheveux "rebelles". Pour aller rejoindre le lycée dans lequel je suis prof, je monte dans une voiture dont la forme agressive des phares taillés en pointe donne l'idée, à chaque carrefour, que j'ai envie de bouffer tout le monde. A midi, après avoir croisé dans les couloirs une collègue qui se parfume à "Opium" et doublé celui qui se parfume à "Egoïste" dont la fragrance si particulière se reconnaît bien avant d'entrer dans les salles des profs, je vais manger à la cantine pour avaler mon steack "Stronger" sans oublier de m'enfiler ma boisson énergisante favorite "Chien sombre" dont le logo (une tête de chien, noire baveuse) me fait dire que je devrais la conseiller à ma collègue qui se parfume au "Poison".
La liste est interminable, et je n'ai pas tenté d'être exhaustif avec le monsieur... En fait, je veux simplement dire qu'à part une lessive rose à l'Aloé Vera qui protège les pulls en mohair, la tendance est à l'agressivité, à la combativité, quand ce n'est pas à la destruction de soi, à la déchéance... pour du beurre! Ces slogans aussi drolatiques que stupides, enfantés par des trentenaires, des quadragénaires et des cinquantenaires -des vieux, disons- jugés novateurs aujourd'hui mais en passe d'être ringards, ne sont rien d'autre qu'une mode qui s'exprime, qui monte, qui passera.
Personne ne pense à leur faire de procès, à ces designers. Le ferait-on que ce serait ridicule. Alors pourquoi en vouloir à mes élèves? Je ne sais pas. J'imagine que ça ne s'applique qu'aux jeunes chiens fous, la bonne guerre.
Il n'est pas rare qu'on m'interroge sur la "jeunesse d'aujourd'hui", qu'on me demande de confirmer que c'est bel et bien de pire en pire, d'assurer qu'on n'a effectivement jamais vu ça avant, de témoigner du fait épouvantable qu'on a "cette fois" touché le fond. Mais cette question pose un problème de logique: si "cette fois" on touche le fond, comme dans les années 1980, comme il y a 2000 ans, comme il y a 3000 ans, quelque chose cloche. Ou alors c'est qu'on creuse sous le fond du fond de la mer, depuis au moins 3000 ans. Strate après strate, on s'enfonce dans la glaise, dans la roche, dans les entrailles de la terre au point de la traverser de part en part jusqu'à se retrouver à l'air libre, pas très loin de la Nouvelle-Calédonie, en se demandant ce qu'on fout là. Bref, en clair, déjà par pure logique, loin de confirmer, je démens. Non, bien sûr que non, ce n'est pas pire qu'avant. Que cela soit de plus en plus pire, comme disait ma fille à 6 ans, n'a de sens que pour une enfant de 6 ans. Juste, à toutes les époques, on devient vieux, et depuis au moins 3000 ans on se laisse toujours aller à jalouser ceux qui deviennent jeunes.
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D'où ce mauvais procès d'intention que l'on fait à mes élèves.
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C'était il y a quelques semaines. Lisant avec effroi l'inscription "Association de malfaiteurs" sur le tee-shirt de l'un de mes élèves, on ne manque pas de m'interpeller: "Voilà! Voilà vos jeunes! Voilà l'éloge de l'incivilité! Que dites-vous de ça? Est-ce qu'on a jamais vu une chose pareille?" J'ai tenté d'expliquer le fond de ma pensée à l'énervé qui venait de trouver sa preuve par neuf de l'aveuglant manque de respect de ces jeunes. J'ai tenté - sans succès - d'expliquer ceci...: chaque matin je me lave les cheveux avec un shampoing qui annonce, en toutes lettres, la couleur: "Gel douche Provocation", tandis que mon fils préfère laver les siens avec un produit d'une autre marque, taillé pour des cheveux "rebelles". Pour aller rejoindre le lycée dans lequel je suis prof, je monte dans une voiture dont la forme agressive des phares taillés en pointe donne l'idée, à chaque carrefour, que j'ai envie de bouffer tout le monde. A midi, après avoir croisé dans les couloirs une collègue qui se parfume à "Opium" et doublé celui qui se parfume à "Egoïste" dont la fragrance si particulière se reconnaît bien avant d'entrer dans les salles des profs, je vais manger à la cantine pour avaler mon steack "Stronger" sans oublier de m'enfiler ma boisson énergisante favorite "Chien sombre" dont le logo (une tête de chien, noire baveuse) me fait dire que je devrais la conseiller à ma collègue qui se parfume au "Poison".
La liste est interminable, et je n'ai pas tenté d'être exhaustif avec le monsieur... En fait, je veux simplement dire qu'à part une lessive rose à l'Aloé Vera qui protège les pulls en mohair, la tendance est à l'agressivité, à la combativité, quand ce n'est pas à la destruction de soi, à la déchéance... pour du beurre! Ces slogans aussi drolatiques que stupides, enfantés par des trentenaires, des quadragénaires et des cinquantenaires -des vieux, disons- jugés novateurs aujourd'hui mais en passe d'être ringards, ne sont rien d'autre qu'une mode qui s'exprime, qui monte, qui passera.
Personne ne pense à leur faire de procès, à ces designers. Le ferait-on que ce serait ridicule. Alors pourquoi en vouloir à mes élèves? Je ne sais pas. J'imagine que ça ne s'applique qu'aux jeunes chiens fous, la bonne guerre.
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