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La démocratie sanitaire: pilier ou béquille?

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Douze années ont passé depuis l'adoption de la loi du 4 mars 2002 qui a consacré la démocratie sanitaire. De fortes tensions, parfois sur fond de procès, avaient émaillé les deux dernières décennies du XXème siècle avant que les Etats généraux de la santé constituent une dernière poussée pour achever un vieux monde qui ne voulait pas tellement reconnaître que les malades avaient des droits. Le XXIème siècle se voulait en rupture, offrant avec la loi Kouchner une triade prometteuse: droits individuels, droits collectifs et procédures contradictoires pour mieux décider en santé.

Qu'est devenue cette martingale magique?

  • Du côté des droits individuels, il faut bien reconnaître du mieux. Certains craignaient de voir des hordes de malades réclamant dans d'interminables queues aux portes des hôpitaux qu'on leur remette leur dossier médical. Rien de tel ne s'est passé. Au contraire, même s'il reste encore des efforts accomplir, le droit d'accès au dossier est partout respecté. Non, ce qui manque c'est la promotion de ces droits auprès de grand public: aucune campagne d'information digne de ce nom n'est intervenue depuis 2002. Ils sont aussi moins bien connus et respectés en ville qu'à l'hôpital, ce qui devrait motiver plus de vigilance et d'alertes de la part des agences régionales de santé.

  • Du côté des droits collectifs, les résultats sont bien moins probants. La loi de 2002 a surtout innové en prescrivant que des représentants des usagers, via leurs associations, siègent dans les instances de santé. L'Etat persiste à faire un usage restreint de cette règle nouvelle. Ainsi, alors que les scandales sanitaires se succèdent aucun représentant des usagers ne siège au comité économique des produits de santé, ni à la commission de la transparence qui statue sur les médicaments, ni au collège de la Haute autorité de santé. Les citoyens sont paradoxalement mieux représentés en dehors du strict champ de la santé: douze sièges sur quarante huit au conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Excellent exemple. Cette caisse est-elle devenue ingouvernable? Nullement. Bien au contraire. C'est donc tout à fait possible.


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Ce n'est pas tout. Les associations ne désignent pas leurs représentants. C'est la main publique qui opère les choix: celle du ministre chargé de la santé ou des responsables d'agences régionales de santé. Autant dire le fait du prince. C'est donc un déni de démocratie. Aucun syndicat de salariés ou d'employeurs n'accepterait cela dans le monde du travail!

Enfin, alors même que la loi confie aux associations d'usagers une mission légale de représentation aucun financement adapté n'est venu la permettre. Là où le Québec alloue pas moins de 0,04% du budget de ses hôpitaux à cette mission, la France, en est à ... 0,005%. Tabernacle!

Où en sommes-nous du côté des procédures contradictoires?

Cela n'est pas bien brillant. Il faut des crises comme celle du Médiator pour justifier des Assises du médicament. Mais, en routine nous n'avons guère d'habitudes et encore moins de règles pour le débat public en santé en vue de la prise de décision. On ne trouve pas dans le champ sanitaire des formules comme le Grenelle de l'environnement ou la Conférence sanitaire qui constituent des rendez-vous réguliers sur les politiques publiques dans ces deux domaines. Pas de "Conférence sanitaire" donc.

Il sera d'ailleurs intéressant de voir si la prochaine loi de santé fera l'objet d'un avant-projet soumis à la concertation. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir vu le législateur confier à la Conférence nationale de santé et aux conférences régionales de santé la compétence pour organiser le débat public. Mais faute de règles et de moyens dédiés, ces instances tiennent salon plutôt qu'elles organisent véritablement le débat public au sens où on l'entend en sciences politiques ou dans la pratique de la Commission nationale du débat public pour les grands équipements publics comme le tracé des lignes à grande vitesse, par exemple. En outre, la Conférence nationale de santé, comme ses sœurs en région, ne sont que des commissions administratives sans autonomie réelle. Elles ont bien de la peine à ne pas être instrumentalisées par la puissance publique.

Il y a donc de quoi faire si l'on veut à l'occasion d'une prochaine loi, comme l'annonce Mme Touraine, faire de la démocratie sanitaire le troisième pilier de la stratégie nationale de santé de la France.

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Santé, Citoyens, Paris, Editions de Santé, 330 p.


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