L'immeuble, majestueux, est l'ancien couvent des Oblats de Marie-Immaculée situé au 26 bis rue de Saint Petersbourg dans le très agréable huitième arrondissement parisien. Quelques mètres en contrebas, l'église Saint André de l'Europe, entre la place Clichy et la gare Saint Lazare. Des commerces de quartier, un restaurant bio, un magasin de rénovation écologique, une laverie... Sous le porche d'entrée, des personnes fument et échangent un salut, un sourire, un briquet, donnant parfois une cigarette... L'Association Aurore, fondé en 1871, a établi un centre d'hébergement dans ces locaux, anciennement ceux de l'INPI (institut national de la propriété industrielle), généreusement mis à disposition par l'État. Aurore y héberge durant toute l'année 120 personnes, dont une cinquantaine d'enfants. L'association héberge également pendant les mois d'hiver (octobre-mars) une cinquantaine de personnes: 25 femmes isolées et six familles avec une quinzaine d'enfants, qui résident depuis le début de l'hiver dans ces locaux. L'Etat a décidé de pérenniser jusqu'au 30 juin prochain les places d'hébergement pour les femmes isolées. La Préfecture de région n'a prolongé que jusqu'au 31 mai prochain l'hébergement des familles. C'est ainsi que des familles avec enfants et des femmes enceintes (considérées comme "famille"), soit près d'une trentaine de personnes, pourraient se retrouver à la rue ce week-end.
Une situation qui serait inhumaine et absurde. Une situation qui résulterait des effets du mille-feuilles que constitue la politique de la ville et du logement, malgré les efforts et le dévouement des différents intervenants, que ce soit les équipes des associations d'insertion et d'aide au logement, les équipes de la mairie de Paris et de la Préfecture de région (l'État)... Bien davantage qu'à un surcroît de moyens financiers, c'est à une véritable cohérence de la politique de réinsertion et du logement qu'appellent les associations comme Aurore, mais également la fondation de l'Abbé Pierre et tant d'autres...
L'hébergement des personnes de la structure d'hiver d'Aurore, comme celles qui bénéficient de l'hébergement pérenne, coûte infinement moins cher à la collectivité que l'aide d'urgence procuré par le 115. Les locaux de l'INPI étaient vides, l'État les a gracieusement mis à disposition de l'association caritative. Pas de loyer, pas de charges importantes. Des coûts quatre à cinq fois moindres que celui de l'hébergement d'urgence, grâce au 115, dans des chambres d'hôtels.
Mais au delà de l'aspect financier, évidemment essentiel en ces temps de crise, c'est la dimension sociale et humaine, celle de la reconstruction du lien social qui est l'enjeu crucial du travail d'Aurore au 26 bis rue de Saint Pétersbourg, à l'instar des autres centres d'hébergement pérenne.
Les personnes hébergées arrivent de la rue. Elles ont dormi parfois pendant des années sous des abri de fortune, au pied de nos immeubles, dans le métro, dans des parcs ou des jardins publics. Ici, elles ont enfin une chambre, elles retrouvent les conditions d'une hygiène élémentaire grâce à des sanitaires et des douches collectives dont elles assurent individuellement et successivement le nettoyage. Elles ont enfin des repas assurés - petits-déjeuners, déjeuners et dîner - partagés dans la cantine collective, où elles se retrouvent avec les travailleurs sociaux de l'association- une révolution par rapport aux conditions d'hébergement du 115 où aucun repas n'est assuré. Elles bénéficient de machines à laver qui leur permettent de rester propres. Les conditions d'une réinsertion matérielle minimale dans la Cité...
Mais c'est aussi leur accompagnement par les travailleurs sociaux d'Aurore qui transforme radicalement le quotidien de ces personnes en cours de réinsertion. Les assistantes sociales les aident à retrouver leurs droits les plus élémentaires: la couverture médicale minimale, avec pour les enfants les vaccinations obligatoires ; la scolarisation des enfants (plus d'une cinquantaine dans le centre), enfin possible grâce à l'hébergement pérenne. Il est en pratique quasiment impossible aux familles du "115" de scolariser leurs enfants, car elles "déménagent" plusieurs fois par mois aux quatre coins de l'Île de France. Le droit à l'éducation, l'obligation pour l'État de scolariser tous les enfants de plus de six ans résidant en France ne sont dans les faits pas assurés pour ces précaires d'entre les précaires, ces pauvres d'entre les pauvres...
C'est aussi une ambiance humaine, faite de courage, de respect et de solidarité pudique qui permet à ces personnes qui ont subi le rejet et se sont senties comme des pestifiérés de sortir la tête de l'eau. Devant l'entrée des locaux, des personnes - des hébergées et des travailleurs d'Aurore - grillent une cigarette et discutent, côte à côte, après avoir échangé un salut. Dans la vaste entrée du bâtiment, deux salariés d'Aurore sont à l'accueil et veillent à ce que les règles de la vie en collectivité soient respectées, notamment celle de ne recevoir les visites privées que dans ce hall où des fauteuils ont été installés. Tout le monde se salue, d'un mot ou d'un signe de la tête. Des enfants chantent, s'amusent et interpellent joyeusement d'un "Bonjour Florence !", la jeune femme qui s'occupe d'eux dans la salle de jeux et de coloriage... Ils veulent aller jouer... D'autres saluent Alain, directeur de la structure pérenne, Françoise, Samir, responsables de la structure d'hiver, ou encore Leticia et Jennifer, assistantes sociales.
La nuit, les portes du centre sont fermées et un gardien fait des rondes toutes les heures pour s'assurer qu'il n'y a pas de problèmes entre les personnes hébergées. Il veille à ce que les règles de bon voisinage et le respect du sommeil des autres soient respectés, et il n'hésite pas à rappeler ces règles de vie et de civilité à ceux qui les auraient oubliées.... Car le travail réalisé avec ces personnes isolées ou ces familles est fondamentalement celui de l'apprentissage ou du réapprentissage des règles de la vie en société.
L'association organise une ou deux fois par mois une fête. Musique et boissons non alcoolisées (l'alcool est strictement interdit dans le centre) permettent à ces anciens naufragés d'échanger dans la joie et la gaité. Des personnes qu'Aurore "rattrape" et ramène parmi nous, des femmes isolées, des hommes longtemps à la rue, parfois âgés, des familles alternant chambres du 115 et nuit dans des abris de fortune... Tous ont vécu une brisure profonde qui les a fait plonger, comme cette femme, ancienne professeur d'Anglais, qui perdit son travail puis son logement après le décès prématuré de son mari. Un homme dont elle dit simplement et pudiquement qu'elle l'aimait beaucoup...
Dans quelques jours, des familles et des femmes enceintes pourraient retourner dans l'extrême précarité et l'incertitude d'avoir une chambre pour 2 ou 3 nuits par le 115. Des enfants scolarisés pourraient se retrouver privés d'école.
Dans un mois, des femmes isolées pourraient rejoindre ce triste et terrible parcours d'errance.
Pourquoi ?
Pourquoi une situation aussi absurde et inhumaine ?
Une situation qui serait inhumaine et absurde. Une situation qui résulterait des effets du mille-feuilles que constitue la politique de la ville et du logement, malgré les efforts et le dévouement des différents intervenants, que ce soit les équipes des associations d'insertion et d'aide au logement, les équipes de la mairie de Paris et de la Préfecture de région (l'État)... Bien davantage qu'à un surcroît de moyens financiers, c'est à une véritable cohérence de la politique de réinsertion et du logement qu'appellent les associations comme Aurore, mais également la fondation de l'Abbé Pierre et tant d'autres...
L'hébergement des personnes de la structure d'hiver d'Aurore, comme celles qui bénéficient de l'hébergement pérenne, coûte infinement moins cher à la collectivité que l'aide d'urgence procuré par le 115. Les locaux de l'INPI étaient vides, l'État les a gracieusement mis à disposition de l'association caritative. Pas de loyer, pas de charges importantes. Des coûts quatre à cinq fois moindres que celui de l'hébergement d'urgence, grâce au 115, dans des chambres d'hôtels.
Mais au delà de l'aspect financier, évidemment essentiel en ces temps de crise, c'est la dimension sociale et humaine, celle de la reconstruction du lien social qui est l'enjeu crucial du travail d'Aurore au 26 bis rue de Saint Pétersbourg, à l'instar des autres centres d'hébergement pérenne.
Les personnes hébergées arrivent de la rue. Elles ont dormi parfois pendant des années sous des abri de fortune, au pied de nos immeubles, dans le métro, dans des parcs ou des jardins publics. Ici, elles ont enfin une chambre, elles retrouvent les conditions d'une hygiène élémentaire grâce à des sanitaires et des douches collectives dont elles assurent individuellement et successivement le nettoyage. Elles ont enfin des repas assurés - petits-déjeuners, déjeuners et dîner - partagés dans la cantine collective, où elles se retrouvent avec les travailleurs sociaux de l'association- une révolution par rapport aux conditions d'hébergement du 115 où aucun repas n'est assuré. Elles bénéficient de machines à laver qui leur permettent de rester propres. Les conditions d'une réinsertion matérielle minimale dans la Cité...
Mais c'est aussi leur accompagnement par les travailleurs sociaux d'Aurore qui transforme radicalement le quotidien de ces personnes en cours de réinsertion. Les assistantes sociales les aident à retrouver leurs droits les plus élémentaires: la couverture médicale minimale, avec pour les enfants les vaccinations obligatoires ; la scolarisation des enfants (plus d'une cinquantaine dans le centre), enfin possible grâce à l'hébergement pérenne. Il est en pratique quasiment impossible aux familles du "115" de scolariser leurs enfants, car elles "déménagent" plusieurs fois par mois aux quatre coins de l'Île de France. Le droit à l'éducation, l'obligation pour l'État de scolariser tous les enfants de plus de six ans résidant en France ne sont dans les faits pas assurés pour ces précaires d'entre les précaires, ces pauvres d'entre les pauvres...
C'est aussi une ambiance humaine, faite de courage, de respect et de solidarité pudique qui permet à ces personnes qui ont subi le rejet et se sont senties comme des pestifiérés de sortir la tête de l'eau. Devant l'entrée des locaux, des personnes - des hébergées et des travailleurs d'Aurore - grillent une cigarette et discutent, côte à côte, après avoir échangé un salut. Dans la vaste entrée du bâtiment, deux salariés d'Aurore sont à l'accueil et veillent à ce que les règles de la vie en collectivité soient respectées, notamment celle de ne recevoir les visites privées que dans ce hall où des fauteuils ont été installés. Tout le monde se salue, d'un mot ou d'un signe de la tête. Des enfants chantent, s'amusent et interpellent joyeusement d'un "Bonjour Florence !", la jeune femme qui s'occupe d'eux dans la salle de jeux et de coloriage... Ils veulent aller jouer... D'autres saluent Alain, directeur de la structure pérenne, Françoise, Samir, responsables de la structure d'hiver, ou encore Leticia et Jennifer, assistantes sociales.
La nuit, les portes du centre sont fermées et un gardien fait des rondes toutes les heures pour s'assurer qu'il n'y a pas de problèmes entre les personnes hébergées. Il veille à ce que les règles de bon voisinage et le respect du sommeil des autres soient respectés, et il n'hésite pas à rappeler ces règles de vie et de civilité à ceux qui les auraient oubliées.... Car le travail réalisé avec ces personnes isolées ou ces familles est fondamentalement celui de l'apprentissage ou du réapprentissage des règles de la vie en société.
L'association organise une ou deux fois par mois une fête. Musique et boissons non alcoolisées (l'alcool est strictement interdit dans le centre) permettent à ces anciens naufragés d'échanger dans la joie et la gaité. Des personnes qu'Aurore "rattrape" et ramène parmi nous, des femmes isolées, des hommes longtemps à la rue, parfois âgés, des familles alternant chambres du 115 et nuit dans des abris de fortune... Tous ont vécu une brisure profonde qui les a fait plonger, comme cette femme, ancienne professeur d'Anglais, qui perdit son travail puis son logement après le décès prématuré de son mari. Un homme dont elle dit simplement et pudiquement qu'elle l'aimait beaucoup...
Dans quelques jours, des familles et des femmes enceintes pourraient retourner dans l'extrême précarité et l'incertitude d'avoir une chambre pour 2 ou 3 nuits par le 115. Des enfants scolarisés pourraient se retrouver privés d'école.
Dans un mois, des femmes isolées pourraient rejoindre ce triste et terrible parcours d'errance.
Pourquoi ?
Pourquoi une situation aussi absurde et inhumaine ?
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