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Baccalauréat: le Titanic continue de couler

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En me prononçant il y a trois ans, dans un grand quotidien du matin, pour l'abolition de la "peine de bac", en publiant un livre sur le sujet un an plus tard (Le bac inutile, L'œuvre, 2012), je ne faisais qu'écrire noir sur blanc ce que beaucoup pensent, y compris dans la corporation médiatique: Ah !, ces voix "off" de journalistes vous disant: bien sûr, vous avez raison, monsieur Fize, mais nous ne pouvons le dire ou l'écrire: le bac est un monument national tout de même. Un symbole fort dans l'esprit des Français.

De quoi parlons-nous? Représentez-vous une armée de près de 700.000 hommes, que l'on appelle candidats, surveillés et corrigés par 170.000 cadres que l'on appelle correcteurs et examinateurs, sans parler de tous ces enseignants dans les différentes académies qui en amont planchent pour définir plus de 4000 sujets d'examen. Et, au final, quatre millions de copies à corriger. Soit une dépense globale pour l'Etat, non pas de 53 ou 54 millions d'euros (chiffre officiel), mais, selon des sources croisées concordantes, du double, soit 100 millions d'euros. Cela fait beaucoup d'argent en temps de crise, n'est-ce pas?

Mais, penserez-vous, l'on ne met jamais trop d'argent pour l'éducation de nos enfants. Certes, mais il faut que les sommes investies aient une utilité. Or, hormis d'être un vrai rite initiatique... au stress, une satisfaction narcissique pour les parents, une fierté compréhensible pour les possédants-bacheliers (avec le permis de conduire tout de même), le bac, loin de rapporter gros, ne rapporte rien, juste de quoi entrer à l'université ou dans une grande école (mais là il faut plutôt avoir le bac "supérieur" S).

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Alors l'on pourrait décider tout simplement d'entrer dans l'enseignement supérieur au vu du livret scolaire et d'épreuves de contrôle continu organisées tout le long des années-lycées. Et puis qui ne sait que, pour les filières prestigieuses (classes prépa par exemple), tout est déjà décidé avant le bac sur la foi des bulletins scolaires de 1ère et de terminale. Ajoutons, autre inconvénient négligé, que le bachelier qui déciderait (ils sont peu nombreux) d'arrêter ses études ne trouverait guère de travail pour le faire vivre. Ajoutons en rappelant que l'économie des 100 millions d'euros du bac permettrait par contre de recruter des milliers d'enseignants supplémentaires, des milliers d'infirmières qui font cruellement défaut dans les établissements et d'octroyer des centaines de bourses à des élèves qui en ont réellement besoin.

Le bac qui fut sans doute, à l'image du Titanic, un bâtiment prestigieux, n'est plus qu'une épave nationale craquant de partout. Chaque année nous avons droit au lot des dysfonctionnements, problèmes, ratés, dégradant un peu plus le mastodonte. Mais l'armée des candidats est toujours là.

Que se passe-t-il depuis l'ouverture de la campagne 2015? Pas une journée, depuis le début de la première épreuve de philosophie, sans que la presse ne nous signale un problème, un raté, un dysfonctionnement. Ce fut d'abord, quelque temps avant le début des épreuves, une série d'articles sur le stress généré par cet examen (sans doute du stress positif comme disent les psys). Puis, le premier jour, une fuite concernant certains sujets de cette épreuve de philo. Suivi d'une rumeur selon laquelle un paquet de 124 copies, de philosophie encore, avait disparu (elles étaient en réalité "égarées" dans la poubelle de l'enseignante-correctrice, mais seront retrouvées intactes par la police). Et l'on apprend aujourd'hui que des pétitions circulent contre des épreuves jugées trop difficiles et inintelligibles en bac S. De quoi demain sera-t-il fait? D'autres ratés ou insatisfactions assurément.

Avant de conclure, mentionnons, au chapitre des pitreries sociales, ce que des quotidiens gratuits ont pu nommer "le bac, avec mention cadeaux" ou "le pactole des mentions". Car oui, vous ne rêvez pas, aux meilleurs reçus à l'examen (ceux avec mention "très bien" principalement), des agences de voyages offrent aujourd'hui des séjours gratuits (trois nuits à New-York par exemple), des maires mettent la main à la poche (pas la leur évidemment, celle des contribuables). L'un offre 780 euros aux bacheliers ayant obtenu une mention "bien" ou "très bien"; un autre plus généreux, mais plus riche aussi, dans le sud de la France, accorde 6000 euros aux bacheliers boursiers avec mention "très bien", pour s'inscrire dans des filières coûteuses (classes prépa notamment).

Au chapitre cette fois des bizarreries, en voici une, classique, qui défie toutes les lois de la statistique: les notes qui, par le jeu des options, dépassent le 20/20. Aventure arrivée à quelques dizaines de candidats l'an passé, notamment à une jeune fille obtenant un 21,21/20 aux épreuves du bac scientifique.

Nous rapprochons-nous donc, pour toutes ces bonnes raisons: coût de l'épreuve, inutilité éducative, absence de valeur sur le marché du travail? Nous rapprochons-nous de l'abolition du diplôme archaïque? Pourquoi pas! Mais pas tout de suite. Notons cependant, signe encourageant pour moi, qu'il y a encore deux ou trois ans aucun média, comme je le leur suggérais alors, n'osait ouvrir le débat par cette question directe: "Faut-il supprimer le bac?", la plupart en restait plus timidement et modestement à la question: "Faut-il réformer le bac?"

Qu'en pensent les intéressés eux-mêmes, qu'en pensent les élèves? Les syndicats qui, pour partie, les représentent, UNL en tête, suggèrent, pour les plus progressistes, de "révolutionner" le bac, d'en opérer une refondation profonde.

Illusion: le bac n'est pas réformable et, au fil des années, ce qui est plus grave, va devenir ingérable (par multiplication des tricheries, fuites, problèmes de formulation des sujets, et je ne sais quoi encore). Mais, ne nous y trompons pas, comme jadis le certificat d'études (supprimé en 1989), comme demain peut-être le brevet des collèges (on en parle), après-demain, c'est promis, le bac sortira définitivement de la panoplie éducative. Dans l'intérêt national et dans l'intérêt des élèves qui pourront alors retrouver le goût du savoir, enfin débarrassés de la contrainte du bachotage.

Michel Fize est l'auteur du livre "Le bac inutile", paru aux éditions de l'Oeuvre, en 2012.








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