Alors voilà, visite à domicile, j'entre: petit appartement, un buffet, des tapisseries, une photo du pape. Au milieu du salon, un lit médicalisé. Une dame dort au milieu. Elle est paisible entre les draps.
Moi, je trouve que ça sent un peu trop le déodorant d'ambiance, et je sais la vérité de cette odeur: quelqu'un veut camoufler la mort qui arrive en raclant les murs. D'ailleurs, dans mon imaginaire, je ne peux plus sentir un déodorant pour toilettes sans avoir le ventre qui se tord et l'idée absurde que quelqu'un va mourir (le pire? Air Wick "Pins des montagnes". Il me fout des plaques rouges sur tout le corps celui-là...).
La patiente est avec ses deux sœurs et son petit frère. Ils l'accompagnent et se relaient. Ils viennent chacun des quatre coins de la France. Soins palliatifs à domicile. Il y a des pansements, des flacons, des médicaments partout.
Je prends la tension artérielle, je demande où elle a mal et si les traitements la soulagent. J'ai l'impression d'être inutile... Pendant 20 minutes et pour la somme de 33€ je suis le Don Quichotte de ce moulin à vent.
La fratrie s'occupe de sa sœur et s'en occupera jusqu'au bout.
On m'explique que la sœur malade ne voulait rien dire à personne au début , mais quand elle a été trop fatiguée, ça n'a plus été possible, ils ont bien compris qu'il y avait quelque chose de grave.
C'était la maison ou un centre de soins palliatifs.
Moi, je "subis" les photos. Car les photos sont partout. Enfants, vacances, école... De vieux clichés de famille.
L'aînée triture le cordon de sa robe de chambre, puis le resserre.
- On découvre, dit-elle.
(Je comprends qu'elle parle de la mort.)
- C'est important.
(Je comprends qu'elle parle de la mort de sa sœur.)
Sa main est agitée d'un petit mouvement concentrique, nerveux.
- Je mets les pansements là et là, je nettoie comme ça, je change la poche tous les deux jours. Est-ce que c'est bien, docteur ?
(Je comprends qu'elle parle d'amour.)
Ce jour-là, je suis sorti de chez eux, il pleuvait. J'ai gagné l'abri d'un porche, j'ai attrapé un téléphone et j'ai appelé mon père. On a parlé de tout et de rien. Ensuite, j'ai appelé mes deux grandes sœurs. L'une était inquiète pour son fils qui tousse, l'autre était inquiète pour sa fille qui a du mal à apprendre son alphabet. Du coup, je me suis retrouvé inquiet pour mon neveu et ma nièce. Enfin, j'ai appelé ma mère. Elle était inquiète pour tout le monde, comme d'habitude.
Je crois que j'ai de la chance.
(((((((( P.S. : si la première lecture vous paraît trop triste, remplacez le mot « mort » par le mot « gastro-entérite ». Voilà. )))))
Moi, je trouve que ça sent un peu trop le déodorant d'ambiance, et je sais la vérité de cette odeur: quelqu'un veut camoufler la mort qui arrive en raclant les murs. D'ailleurs, dans mon imaginaire, je ne peux plus sentir un déodorant pour toilettes sans avoir le ventre qui se tord et l'idée absurde que quelqu'un va mourir (le pire? Air Wick "Pins des montagnes". Il me fout des plaques rouges sur tout le corps celui-là...).
La patiente est avec ses deux sœurs et son petit frère. Ils l'accompagnent et se relaient. Ils viennent chacun des quatre coins de la France. Soins palliatifs à domicile. Il y a des pansements, des flacons, des médicaments partout.
Je prends la tension artérielle, je demande où elle a mal et si les traitements la soulagent. J'ai l'impression d'être inutile... Pendant 20 minutes et pour la somme de 33€ je suis le Don Quichotte de ce moulin à vent.
La fratrie s'occupe de sa sœur et s'en occupera jusqu'au bout.
On m'explique que la sœur malade ne voulait rien dire à personne au début , mais quand elle a été trop fatiguée, ça n'a plus été possible, ils ont bien compris qu'il y avait quelque chose de grave.
C'était la maison ou un centre de soins palliatifs.
Moi, je "subis" les photos. Car les photos sont partout. Enfants, vacances, école... De vieux clichés de famille.
L'aînée triture le cordon de sa robe de chambre, puis le resserre.
- On découvre, dit-elle.
(Je comprends qu'elle parle de la mort.)
- C'est important.
(Je comprends qu'elle parle de la mort de sa sœur.)
Sa main est agitée d'un petit mouvement concentrique, nerveux.
- Je mets les pansements là et là, je nettoie comme ça, je change la poche tous les deux jours. Est-ce que c'est bien, docteur ?
(Je comprends qu'elle parle d'amour.)
Ce jour-là, je suis sorti de chez eux, il pleuvait. J'ai gagné l'abri d'un porche, j'ai attrapé un téléphone et j'ai appelé mon père. On a parlé de tout et de rien. Ensuite, j'ai appelé mes deux grandes sœurs. L'une était inquiète pour son fils qui tousse, l'autre était inquiète pour sa fille qui a du mal à apprendre son alphabet. Du coup, je me suis retrouvé inquiet pour mon neveu et ma nièce. Enfin, j'ai appelé ma mère. Elle était inquiète pour tout le monde, comme d'habitude.
Je crois que j'ai de la chance.
(((((((( P.S. : si la première lecture vous paraît trop triste, remplacez le mot « mort » par le mot « gastro-entérite ». Voilà. )))))
Le blog du Dr. B. : Alors voilà.
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