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Principe de précaution et gestion de l'eau, par François Ewald

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eMag SUEZ ENVIRONNEMENT - François Ewald est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, président de l’Observatoire du principe de précaution.

Le principe de précaution – Vorsorgeprinzip – apparaît en Allemagne au début des années 1970. Dans ses Directives sur la précaution en matière d’environnement (1986), le gouvernement allemand précise : «Par précaution, on désigne l’ensemble des mesures destinées soit à empêcher des atteintes précises à l’environnement, soit, dans un objectif de prévention, à réduire et limiter les risques pour l’environnement, soit en anticipant l’état futur de l’environnement, à protéger et à améliorer les conditions de vie naturelles, ces différents objectifs étant liés. » La précaution désigne donc trois types d’actions hiérarchisées selon une perspective temporelle qui vont du court terme de la prévention de risques imminents au long terme de la gestion des ressources naturelles. La perspective de précaution intègre la prévention. Elle passe par trois impératifs : réduire les risques et éviter les émissions même quand on ne constate pas d’effets dans l’immédiat ; formuler des objectifs de qualité environnementale ; définir une approche écologique de la gestion de l’environnement.



paysage




Au début des années 1980, le gouvernement allemand, préoccupé par l’état de la mer du Nord, demande un rapport à une équipe d’experts indépendants qui lui propose d’en asseoir la protection sur le principe de précaution et de l’organiser sous forme d’une coopération internationale. Une première réunion des ministres des pays riverains se tient à Brême (1984), où il est dit que « les États ne doivent pas attendre pour agir que les dommages à l’environnement soient prouvés », suivie d’une deuxième (Londres, 1987), où les ministres «acceptent que, afin de protéger la mer du Nord des effets dommageables éventuels des substances les plus dangereuses, une approche de précaution est nécessaire, qui peut requérir l’adoption de mesures de contrôle de ces substances avant même qu’un lien de cause à effet soit formellement établi sur le plan scientifique», approche précisée comme suit : «Si l’état des connaissances est insuffisant, une stricte limitation à la source des émissions de polluants sera imposée pour des raisons de sécurité. » Deuxième dimension : décider même en situation de connaissance faible ; mieux : décider parce qu’il y a incertitude. Lors du Sommet de la Terre réuni par l’Onu à Rio en juin 1992, le principe est incorporé dans l’ensemble du dispositif destiné à définir les nouvelles relations des hommes entre eux et avec la Terre, à côté des principes de participation, de coopération et de responsabilité : «Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement.»

Solidaire de la philosophie du développement durable, le principe de précaution va, sous une forme ou une autre, être intégré dans toutes une série de conventions portant sur la gestion des ressources naturelles (biodiversité, pêche, forêts), la protection de l’environnement, soit sous un cadre régional (Méditerranée, Atlantique du Nord-est, mer Baltique), soit par problèmes (déchets, changement climatique, couche d’ozone). Les conventions internationales qui font référence au principe de précaution sont désormais innombrables. L’inventaire des applications du principe de précaution n’est pas loin de ressembler au récit de la Genèse : le principe protège la mer et les océans, les fleuves, l’air, l’eau, la terre, la faune et la flore.



eau




La Communauté européenne n’allait pas rester à l’écart de ce vaste mouvement en faveur du renforcement de la protection de l’environnement. Elle va développer une politique active du principe de précaution, en en précisant le concept : a) une politique de précaution est liée au niveau de protection que l’on se donne concernant certaines valeurs. C’est parce que l’Union européenne veut garantir aux citoyens un « haut degré » de protection en matière d’environnement et de santé qu’elle met en œuvre, dans ces domaines, une politique de précaution, qui vise, en réalité, à réduire les risques d’erreurs en situation de connaissance imparfaite ; b) les mesures de précaution doivent être proportionnées au niveau de protection recherchée, à la nature des risques, aux services rendus par un produit, à la situation d’un État ou d’une région, etc.; c)le recours au principe de précaution dépend d’une expertise scientifique qui doit faire apparaitre des preuves suffisantes quant à la nécessité de son application; d) le principe de précaution impose l’information des citoyens par les autorités qui ont à le mettre en œuvre.

Pour ce qui concerne la France, le principe de précaution, d’abord introduit dans le droit interne par la loi Barnier du 2 février 1995, a été inscrit dans le Préambule de la Constitution de la Vème République dans le cadre de la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement. L’article 5 de la Charte stipule : « Lorsque la réalisation d’ un dommage , b i en qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.» Cet article ne peut être isolé de l’article 7 du même texte qui formule « le droit de chacun, dans les conditions et les limites définies par la loi, à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »






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