SANTÉ - Au son de la musique, les 20 personnes qui prenaient un café sur la terrasse au soleil entrent s'asseoir par petits groupes. Certaines ont déjà le sourire aux lèvres, comme en retrouvant un vieil ami. D'autres semblent plus réservées, elles attendent d'être séduites. Pieds et mains, timidement, battent la mesure. Les yeux dévorent sans retenue Sébastien Malherbe, au centre de la pièce. Avec son accordéon, il sait qu'il a affaire à un public exigeant. Malgré la chaleur, ce musicien professionnel va devoir faire preuve de tout son charme pour leur plaire pendant cette petite heure.
Eux, ce sont les pensionnaires du centre de jour de Casa Delta 7 dans le 17e arrondissement de Paris. Ce jeudi 18 septembre, le centre reçoit le groupe de malades d'Alzheimer les plus atteints par la maladie. Certains ne parlent pas, d'autres ont des difficultés à marcher. Tous sont "dans le cosmos", comme dit Sébastien. Ils ne savent pas quel jour nous sommes, où ils se trouvent ni même qui sont les personnes qui les entourent. En revanche, ils entendent, ils écoutent et parfois même, ils se rappellent.
Mais si! Sébastien, ce jeune quadra, c'est leur neveu! C'est leur ancien compagnon, c'est le musicien qui joue dans le bal dans lequel ils se rendent avec leur mari toutes les semaines. C'est en tout cas, une personne qu'ils connaissent. Et Sébastien, ce magicien poli, s'adapte à chaque personne, à chaque histoire, il joue le jeu. "Je ne suis pas thérapeute", répète-t-il avec un grand sourire.
Les bonnes ondes de la musique
Sa mission, venir animer une fois par mois un atelier musical avec les deux groupes qu'accueille ce centre de jour. "Le musicien peut devenir un allié thérapeutique", rappelait en février dernier la ministre de la Santé Marisol Tourraine. Dans les faits les activités musicales sont bien souvent au programme des maisons de retraite. Aujourd'hui, les initiatives comme celles de Sébastien Malherbe veulent aller plus loin. Il ne s'agit pas d'un simple concert. L'effet de la musique de Sébastien Malherbe sur les vingt personnes rassemblées est assez évident. Physiquement d'abord, au fil des chansons, de Tino Rossi à Claude Nougaro, en passant par des chants créoles, les jambes se délient, les hanches s'assouplissent.
Pour écouter la playlist de Sébastien Malherbe, passez votre souris sur l'image (l'article se poursuit après cette photo) :
![]()
Monsieur S. par exemple s'était installé le visage fermé. Il gardait soigneusement sa canne au plus près de lui. Quand la directrice du centre lui proposer d'esquisser quelques pas de danse, il refuse sans négociation d'un signe de la tête. Un peu plus tard, une aide-soignante lui tend encore la main. Monsieur S. l'accepte de mauvaise grâce, parvient à se lever et ne bouge que le haut de son corps très prudemment. Le manège se répète encore plusieurs fois. Pour la dernière chanson, "Ah! Le petit vin blanc" (voir la vidéo ci-dessus), tous les pensionnaires restent assis, parfois étourdis d'avoir trop dansé. Lui, se lève, aidé de sa canne. Les aide-soignantes sautent de leur siège imaginant qu'il veut aller aux toilettes. "Non, je veux danser" dit-il. "Et bien voilà, il est parti", plaisante l'une des professionnelles en le regardant se déhancher.
Mission réussie pour Sébastien. Cette activité musique est l'occasion de faire bouger des corps rouillés, fatigués. Les malades d'Alzheimer ont parfois oublié comment se mouvoir. Les cinq professionnelles qui les entourent cet après-midi leur rappellent ces mouvements oubliés en leur prenant leur main.
![alzheimer musique]()
Quand la musique se rappelle aux bons souvenirs
Les bénéfices ne sont pas seulement physiques. "Maintenant, je vais vous chanter une chanson des Antilles. Souvenez-vous, c'est toujours la même", annonce Sébastien Malherbe. Accordéoniste professionnel, il prend désormais des cours de chant pour pouvoir tenir une heure de chant sans perdre sa voix. Un peu plus tard, c'est explication de texte sur la chanson de Claude Nougaro, "Dansez sur moi". Le musicien professionnel y croit dur comme fer et n'hésite pas à lancer un "à vous!" pour que l'auditoire reprenne le refrain de la Javanaise de Gainsbourg. Ça marche. Certains marmonnent, d'autres se souviennent de certains mots ou fredonnent de la mélodie. Impressionnant, ce ne sont pas des souvenirs forcément liés à leur passé.
Comme l'avait constaté en 2004 une médecin coordinatrice qui s'occupait de malades d'Alzheimer dans le Calvados, les malades à un stade avancé d'Alzheimer peuvent apprendre les paroles de chansons qu'ils ne connaissent pas. À raison d'une séance par semaine, la spécialiste avait remarqué que ses patients peuvent retenir les paroles d'une longueur d'une dizaine de lignes en huit semaines. Une grosse surprise pour les médecins, ces personnes étaient jusqu'alors incapables de retenir de nouvelles informations.
Pour soigner la dyslexie ou même l'aphasie, la musique et le chant ont fait leurs preuves. Pour aider la mémoire défaillante des patients d'Alzheimer, pour retrouver la motricité en cas d'AVC ou de maladie de Parkinson, la recherche sur la musique a fait de grands progrès depuis une décennie. La musique a même fait des miracles, comme ce boulanger anglais qui avait en 2008, selon les médecins une chance sur trois de sortir du coma dans lequel ils l'avaient plongé. Sur les conseils du corps médical, son épouse avait laissé la radio allumée. L'homme s'est réveillé après avoir entendu "Satisfaction" des Rolling Stones, le premier disque qu'il avait acheté en 1965, comme le rapporte Le Monde.
Un public très exigeant
Sébastien Malherbe s'était tourné vers cette activité un peu par hasard. "La tournée de danse contemporaine dans laquelle je jouais s'est terminée sans que je l'anticipe", se souvient-il. Le bec dans l'eau, très vite, jouer de son instrument lui manque terriblement. "Un ami m'a conseillé de me tourner vers les hôpitaux. J'ai tapé à la porte de plusieurs instituts, ils ne pouvaient pas me payer et moi je voulais juste jouer." Sept ans plus tard, Sébastien a mis entre parenthèses sa carrière de musicien professionnel, il joue désormais pour créer une association, "Notes de rappel", qui rassemblera des musiciens "de très haut niveau" pour jouer auprès des malades d'Alzheimer.
Son rêve? Que les personnes de la Casa Delta 7 du 17e arrondissement puissent écouter la spécialiste mondiale de Chopin. "Les malades d'Alzheimer sont le public le plus exigeant que j'ai pu côtoyer. Ils sont dans l'instant. Ils réagissent énormément au rythme," explique-t-il en reproduisant des enchaînements de sons dont il connaît l'efficacité. Il s'insurge aussi devant ceux qui voudrait les rabaisser : "Il y a parmi eux d'anciens chirurgiens, des avocats et d'autres personnes plus modestes. Mais tous réagissent de la même façon, si vous commencez à les materner ou à leur parler comme à des enfants, ils se refermeront."
Pendant que le musicien nous raconte son parcours, l'activité continue avec les pensionnaires. Place au chant. Des fiches de paroles sont distribuées. À travers les clameurs, on peut entendre distinctement un "coucou" régulier. Monsieur V. ne parle plus. Une heure plus tôt, il ne voulait pas lever la tête de son journal. Désormais, il fait de grands gestes pour battre la mesure et accompagne comme il peut le reste de la troupe. "Cela ne les guérira pas, mais la musique les rend tellement heureux, c'est un premier pas", confesse, émue, Dominique Rochard, la directrice du centre Casa Delta 7.
Sébastien Malherbe se produira pour la 12ème "Nuit Blanche" à l'EHPAD Annie Girardot, le samedi 4 octobre de 20h à 23 h
Eux, ce sont les pensionnaires du centre de jour de Casa Delta 7 dans le 17e arrondissement de Paris. Ce jeudi 18 septembre, le centre reçoit le groupe de malades d'Alzheimer les plus atteints par la maladie. Certains ne parlent pas, d'autres ont des difficultés à marcher. Tous sont "dans le cosmos", comme dit Sébastien. Ils ne savent pas quel jour nous sommes, où ils se trouvent ni même qui sont les personnes qui les entourent. En revanche, ils entendent, ils écoutent et parfois même, ils se rappellent.
Mais si! Sébastien, ce jeune quadra, c'est leur neveu! C'est leur ancien compagnon, c'est le musicien qui joue dans le bal dans lequel ils se rendent avec leur mari toutes les semaines. C'est en tout cas, une personne qu'ils connaissent. Et Sébastien, ce magicien poli, s'adapte à chaque personne, à chaque histoire, il joue le jeu. "Je ne suis pas thérapeute", répète-t-il avec un grand sourire.
Les bonnes ondes de la musique
Sa mission, venir animer une fois par mois un atelier musical avec les deux groupes qu'accueille ce centre de jour. "Le musicien peut devenir un allié thérapeutique", rappelait en février dernier la ministre de la Santé Marisol Tourraine. Dans les faits les activités musicales sont bien souvent au programme des maisons de retraite. Aujourd'hui, les initiatives comme celles de Sébastien Malherbe veulent aller plus loin. Il ne s'agit pas d'un simple concert. L'effet de la musique de Sébastien Malherbe sur les vingt personnes rassemblées est assez évident. Physiquement d'abord, au fil des chansons, de Tino Rossi à Claude Nougaro, en passant par des chants créoles, les jambes se délient, les hanches s'assouplissent.
Pour écouter la playlist de Sébastien Malherbe, passez votre souris sur l'image (l'article se poursuit après cette photo) :
Monsieur S. par exemple s'était installé le visage fermé. Il gardait soigneusement sa canne au plus près de lui. Quand la directrice du centre lui proposer d'esquisser quelques pas de danse, il refuse sans négociation d'un signe de la tête. Un peu plus tard, une aide-soignante lui tend encore la main. Monsieur S. l'accepte de mauvaise grâce, parvient à se lever et ne bouge que le haut de son corps très prudemment. Le manège se répète encore plusieurs fois. Pour la dernière chanson, "Ah! Le petit vin blanc" (voir la vidéo ci-dessus), tous les pensionnaires restent assis, parfois étourdis d'avoir trop dansé. Lui, se lève, aidé de sa canne. Les aide-soignantes sautent de leur siège imaginant qu'il veut aller aux toilettes. "Non, je veux danser" dit-il. "Et bien voilà, il est parti", plaisante l'une des professionnelles en le regardant se déhancher.
Mission réussie pour Sébastien. Cette activité musique est l'occasion de faire bouger des corps rouillés, fatigués. Les malades d'Alzheimer ont parfois oublié comment se mouvoir. Les cinq professionnelles qui les entourent cet après-midi leur rappellent ces mouvements oubliés en leur prenant leur main.

Quand la musique se rappelle aux bons souvenirs
Les bénéfices ne sont pas seulement physiques. "Maintenant, je vais vous chanter une chanson des Antilles. Souvenez-vous, c'est toujours la même", annonce Sébastien Malherbe. Accordéoniste professionnel, il prend désormais des cours de chant pour pouvoir tenir une heure de chant sans perdre sa voix. Un peu plus tard, c'est explication de texte sur la chanson de Claude Nougaro, "Dansez sur moi". Le musicien professionnel y croit dur comme fer et n'hésite pas à lancer un "à vous!" pour que l'auditoire reprenne le refrain de la Javanaise de Gainsbourg. Ça marche. Certains marmonnent, d'autres se souviennent de certains mots ou fredonnent de la mélodie. Impressionnant, ce ne sont pas des souvenirs forcément liés à leur passé.
Comme l'avait constaté en 2004 une médecin coordinatrice qui s'occupait de malades d'Alzheimer dans le Calvados, les malades à un stade avancé d'Alzheimer peuvent apprendre les paroles de chansons qu'ils ne connaissent pas. À raison d'une séance par semaine, la spécialiste avait remarqué que ses patients peuvent retenir les paroles d'une longueur d'une dizaine de lignes en huit semaines. Une grosse surprise pour les médecins, ces personnes étaient jusqu'alors incapables de retenir de nouvelles informations.
Pour soigner la dyslexie ou même l'aphasie, la musique et le chant ont fait leurs preuves. Pour aider la mémoire défaillante des patients d'Alzheimer, pour retrouver la motricité en cas d'AVC ou de maladie de Parkinson, la recherche sur la musique a fait de grands progrès depuis une décennie. La musique a même fait des miracles, comme ce boulanger anglais qui avait en 2008, selon les médecins une chance sur trois de sortir du coma dans lequel ils l'avaient plongé. Sur les conseils du corps médical, son épouse avait laissé la radio allumée. L'homme s'est réveillé après avoir entendu "Satisfaction" des Rolling Stones, le premier disque qu'il avait acheté en 1965, comme le rapporte Le Monde.
Un public très exigeant
Sébastien Malherbe s'était tourné vers cette activité un peu par hasard. "La tournée de danse contemporaine dans laquelle je jouais s'est terminée sans que je l'anticipe", se souvient-il. Le bec dans l'eau, très vite, jouer de son instrument lui manque terriblement. "Un ami m'a conseillé de me tourner vers les hôpitaux. J'ai tapé à la porte de plusieurs instituts, ils ne pouvaient pas me payer et moi je voulais juste jouer." Sept ans plus tard, Sébastien a mis entre parenthèses sa carrière de musicien professionnel, il joue désormais pour créer une association, "Notes de rappel", qui rassemblera des musiciens "de très haut niveau" pour jouer auprès des malades d'Alzheimer.
Son rêve? Que les personnes de la Casa Delta 7 du 17e arrondissement puissent écouter la spécialiste mondiale de Chopin. "Les malades d'Alzheimer sont le public le plus exigeant que j'ai pu côtoyer. Ils sont dans l'instant. Ils réagissent énormément au rythme," explique-t-il en reproduisant des enchaînements de sons dont il connaît l'efficacité. Il s'insurge aussi devant ceux qui voudrait les rabaisser : "Il y a parmi eux d'anciens chirurgiens, des avocats et d'autres personnes plus modestes. Mais tous réagissent de la même façon, si vous commencez à les materner ou à leur parler comme à des enfants, ils se refermeront."
Pendant que le musicien nous raconte son parcours, l'activité continue avec les pensionnaires. Place au chant. Des fiches de paroles sont distribuées. À travers les clameurs, on peut entendre distinctement un "coucou" régulier. Monsieur V. ne parle plus. Une heure plus tôt, il ne voulait pas lever la tête de son journal. Désormais, il fait de grands gestes pour battre la mesure et accompagne comme il peut le reste de la troupe. "Cela ne les guérira pas, mais la musique les rend tellement heureux, c'est un premier pas", confesse, émue, Dominique Rochard, la directrice du centre Casa Delta 7.
Sébastien Malherbe se produira pour la 12ème "Nuit Blanche" à l'EHPAD Annie Girardot, le samedi 4 octobre de 20h à 23 h
LIRE AUSSI :
» L'art de vivre... avec la maladie
» Vous perdez la mémoire? Quel est votre groupe sanguin?
» 10 choses que m'ont apprises ceux qui souffrent d'Alzheimer
» Un robot pour accompagner les malades d'Alzheimer et leurs familles
Retrouvez les articles du HuffPost C'est la vie sur notre page Facebook.
Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.