Nous continuons notre descente en canoë du Karasjokka, cette rivière de l’extrême Nord de la Norvège. Il s'agit de l'ultime navigation de notre tour d'Europe des rivières sauvages. Dans quelques jours, nous prendrons le chemin du retour mais ces dernières journées vont nous réserver bien des surprises...
Le décors change au matin de notre cinquième journée de navigation. La rivière entre dans un paysage rocheux. Elle passe même dans des gorges sombres. Qui dit gorges, dit rapides, rochers au milieu de la rivière etc... Nous nous arrêtons à plusieurs reprises pour repérer les passages avant de nous y engager. Autre changement notoire, des pins apparaissent ça et là dans le paysage et laissent présager des feux enfin capables de nous réchauffer. L'altitude a décru depuis notre départ et des conditions de vie moins rigoureuses permettent probablement à ces conifères de survivre dorénavant.
![2014-09-22-KarasjokkaLD61.JPG]()
Le rythme de la navigation s'accélère avec le courant, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Nous approchons des chutes au-delà desquelles nous ne serons plus autorisés à pêcher, présence du saumon oblige. Aussi, nous laissons-nous une belle après-midi de pêche. L'endroit est sublime et la pêche ne tarde pas à l'être puisque nous prenons bientôt un, puis deux, puis trois saumons. Les saumons méprisent le règlement. Nous leur en savons gré.
![2014-09-22-KarasjokkaLD72.JPG]()
Brochette de pêcheurs
Le dîner sera sans doute l'un des meilleurs moments de cette navigation. Pour l'occasion, nous nous sommes installés sur un coteau avec vue imprenable sur la rivière. Le ciel est dégagé. Nous dégustons des carrés de saumon mi-cuit accompagnés de quelques lampées d'un cognac gardé pour les grandes occasions. Nous nous prenons même à rêver que le beau temps va s'installer.
![2014-09-22-KarasjokkaLD75.JPG]()
Brochettes de saumon
Nous repartons le lendemain sous une pluie battante. Deux portages sont au programme de la journée, le second de près d'un kilomètre. Si les premières journées de navigation se déroulaient sur un plateau, les reliefs qui nous entourent sont maintenant marqués. Cela génère par endroit de fortes accélérations du courant et des difficultés qu'il est préférable de contourner par la berge, sous peine de s'en souvenir. En ce sixième jour de navigation, nous rencontrons nos deux premiers humains. Ils ont amené leur canoë au bord de la rivière cet hiver en ... ski. Voilà une façon astucieuse d'éviter d'avoir recours à un hydravion. Nous poursuivons notre navigation, soudain victimes d'un accès de modestie...
![2014-09-22-KarasjokkaLD80.JPG]()
Un portage d'un kilomètre est nécessaire pour contourner ces gorges
Notre septième journée nous donne l'occasion de nous initier à la langue des Samis, ce peuple qui s'est installé en Scandinavie à la faveur de la fin des glaciations il y a 10 000 ans et dont la culture, dans cet environnement si particulier, continue à se distinguer de celle du reste de l'Europe. Nous abordons en effet, les rapides de Buksaluhccenguoika littéralement « chie dans son froc ». Nous n'en menons pas large mais nous passons sans encombre cette succession de passages techniques finalement assez plaisants. Nous aurions cependant dû écouter plus attentivement le présage sami puisqu'une petite baisse de concentration quelques kilomètres plus loin vaut le premier bain de cette navigation à un des équipages.
![2014-09-22-KarasjokkaLD86.JPG]()
Les rapides se font plus marqués
Heureusement que nous pouvons passer la nuit dans un refuge ouvert aux pêcheurs et aux chasseurs du secteur. Il est bordé d'une petite chapelle. Ce lieu a en effet été très fréquenté quand la rivière était une voie de communication majeure. Elle n'a cessé de l'être que dans les années 70, date de la construction de la route qui mène vers la côte.
![2014-09-22-KarasjokkaLD88bis.JPG]()
Au petit matin
Les rapides sont toujours tumultueux en ce huitième jour de navigation. Il me semble plus prudent de déposer les sacs sur la berge avant d'entreprendre le passage du plus impressionnant d'entre eux. Bien m'en prend puisque, comme un joueur de tennis trop occupé à préparer mentalement la poursuite de l'échange manque une balle anodine, nous nous renversons dans un mouvement d'eau sans difficulté avant le rapide tant craint. Nous le franchissons donc à la nage avec la plus grande allégresse. Le second passage se fait sans encombre. Karasjok n'est plus très loin et Yann Helmer, notre ami local, nous a offert de séjourner dans son cabanon ce soir.
![2014-09-22-KarasjokkaLD92.JPG]()
Reccueillement avant l'action
Nous repartons le lendemain pour notre dernier jour de navigation est là. Le relief s'assagit ainsi que la rivière et Karasjok s'annonce. Telle une provocation, le soleil est là.
Dix jours et environ 130 kilomètres parcourus nous ont permis de découvrir la toundra, cet environnement qui était celui de la France pendant les glaciations. Nous retenons sa générosité, notamment en matière de ressources halieutiques mais aussi et peut-être corollairement la rigueur de son climat déjà sensible au mois d'août.
![2014-09-22-KarasjokkaLD17.JPG]()
Le lichen, une source importante de nourriture pour les rênes
C'est ainsi que se termine notre périple, quatre mois sur cinq des dernières rivières sauvages d'Europe. Alors que l'hiver ne va pas tarder à poindre ici en Laponie, il est temps d'entreprendre les 4000 kilomètres qui vont nous ramener en France. Ce sera l'occasion de réfléchir aux films qui viendront bientôt raconter nos navigations en image sur le site Internet du projet (www.destination-rivieres.org). Ce sera aussi le moment d'imaginer déjà les prochains projets, les rivières sur lesquelles naviguer, les découvertes qu'elles nous permettront de faire et les partenaires qui pourront nous y aider...
Nous garderons un souvenir très fort du soutien que de nombreuses personnes nous ont apporté dans tous les pays traversés durant ces quatre mois. Une passion commune pour les rivières a suffi à faire tomber les mûrs qu'ils soient linguistiques, culturels ou administratifs. Un conseil, un témoignage, une aide matérielle, que tous ceux qui nous ont aidés soient chaleureusement remerciés ici et sachent combien nous espérons leur rendre visite bientôt à nouveau au bord de leur rivière.
![2014-09-22-KarasjokkaLD99.JPG]()
Nous n'oublierons pas le privilège qui a été le nôtre, le temps d'un été, de naviguer des montagnes alpines à la toundra polaire, du monde méditerranéen aux portes de l'Asie et de la mer noire à l'océan arctique. Cette aventure n'aurait pas été possible sans les partenaires qui, par leur participation, ont donné la possibilité à ce projet d'exister. Nous leur exprimons notre profonde gratitude.
Enfin, je remercie tous les coéquipiers, photographes, vidéastes, naturalistes et moniteurs de canoë-kayak qui de Dubrovnik, à Rovaniemi en passant par Vilnius et Bucarest m'ont rejoint pour faire vivre ce projet.
A bientôt sur les rivières d'Europe...
Le décors change au matin de notre cinquième journée de navigation. La rivière entre dans un paysage rocheux. Elle passe même dans des gorges sombres. Qui dit gorges, dit rapides, rochers au milieu de la rivière etc... Nous nous arrêtons à plusieurs reprises pour repérer les passages avant de nous y engager. Autre changement notoire, des pins apparaissent ça et là dans le paysage et laissent présager des feux enfin capables de nous réchauffer. L'altitude a décru depuis notre départ et des conditions de vie moins rigoureuses permettent probablement à ces conifères de survivre dorénavant.
Le rythme de la navigation s'accélère avec le courant, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Nous approchons des chutes au-delà desquelles nous ne serons plus autorisés à pêcher, présence du saumon oblige. Aussi, nous laissons-nous une belle après-midi de pêche. L'endroit est sublime et la pêche ne tarde pas à l'être puisque nous prenons bientôt un, puis deux, puis trois saumons. Les saumons méprisent le règlement. Nous leur en savons gré.
Brochette de pêcheurs
Le dîner sera sans doute l'un des meilleurs moments de cette navigation. Pour l'occasion, nous nous sommes installés sur un coteau avec vue imprenable sur la rivière. Le ciel est dégagé. Nous dégustons des carrés de saumon mi-cuit accompagnés de quelques lampées d'un cognac gardé pour les grandes occasions. Nous nous prenons même à rêver que le beau temps va s'installer.
Brochettes de saumon
Nous repartons le lendemain sous une pluie battante. Deux portages sont au programme de la journée, le second de près d'un kilomètre. Si les premières journées de navigation se déroulaient sur un plateau, les reliefs qui nous entourent sont maintenant marqués. Cela génère par endroit de fortes accélérations du courant et des difficultés qu'il est préférable de contourner par la berge, sous peine de s'en souvenir. En ce sixième jour de navigation, nous rencontrons nos deux premiers humains. Ils ont amené leur canoë au bord de la rivière cet hiver en ... ski. Voilà une façon astucieuse d'éviter d'avoir recours à un hydravion. Nous poursuivons notre navigation, soudain victimes d'un accès de modestie...
Un portage d'un kilomètre est nécessaire pour contourner ces gorges
Notre septième journée nous donne l'occasion de nous initier à la langue des Samis, ce peuple qui s'est installé en Scandinavie à la faveur de la fin des glaciations il y a 10 000 ans et dont la culture, dans cet environnement si particulier, continue à se distinguer de celle du reste de l'Europe. Nous abordons en effet, les rapides de Buksaluhccenguoika littéralement « chie dans son froc ». Nous n'en menons pas large mais nous passons sans encombre cette succession de passages techniques finalement assez plaisants. Nous aurions cependant dû écouter plus attentivement le présage sami puisqu'une petite baisse de concentration quelques kilomètres plus loin vaut le premier bain de cette navigation à un des équipages.
Les rapides se font plus marqués
Heureusement que nous pouvons passer la nuit dans un refuge ouvert aux pêcheurs et aux chasseurs du secteur. Il est bordé d'une petite chapelle. Ce lieu a en effet été très fréquenté quand la rivière était une voie de communication majeure. Elle n'a cessé de l'être que dans les années 70, date de la construction de la route qui mène vers la côte.
Au petit matin
Les rapides sont toujours tumultueux en ce huitième jour de navigation. Il me semble plus prudent de déposer les sacs sur la berge avant d'entreprendre le passage du plus impressionnant d'entre eux. Bien m'en prend puisque, comme un joueur de tennis trop occupé à préparer mentalement la poursuite de l'échange manque une balle anodine, nous nous renversons dans un mouvement d'eau sans difficulté avant le rapide tant craint. Nous le franchissons donc à la nage avec la plus grande allégresse. Le second passage se fait sans encombre. Karasjok n'est plus très loin et Yann Helmer, notre ami local, nous a offert de séjourner dans son cabanon ce soir.
Reccueillement avant l'action
Nous repartons le lendemain pour notre dernier jour de navigation est là. Le relief s'assagit ainsi que la rivière et Karasjok s'annonce. Telle une provocation, le soleil est là.
Dix jours et environ 130 kilomètres parcourus nous ont permis de découvrir la toundra, cet environnement qui était celui de la France pendant les glaciations. Nous retenons sa générosité, notamment en matière de ressources halieutiques mais aussi et peut-être corollairement la rigueur de son climat déjà sensible au mois d'août.
Le lichen, une source importante de nourriture pour les rênes
C'est ainsi que se termine notre périple, quatre mois sur cinq des dernières rivières sauvages d'Europe. Alors que l'hiver ne va pas tarder à poindre ici en Laponie, il est temps d'entreprendre les 4000 kilomètres qui vont nous ramener en France. Ce sera l'occasion de réfléchir aux films qui viendront bientôt raconter nos navigations en image sur le site Internet du projet (www.destination-rivieres.org). Ce sera aussi le moment d'imaginer déjà les prochains projets, les rivières sur lesquelles naviguer, les découvertes qu'elles nous permettront de faire et les partenaires qui pourront nous y aider...
Nous garderons un souvenir très fort du soutien que de nombreuses personnes nous ont apporté dans tous les pays traversés durant ces quatre mois. Une passion commune pour les rivières a suffi à faire tomber les mûrs qu'ils soient linguistiques, culturels ou administratifs. Un conseil, un témoignage, une aide matérielle, que tous ceux qui nous ont aidés soient chaleureusement remerciés ici et sachent combien nous espérons leur rendre visite bientôt à nouveau au bord de leur rivière.
Nous n'oublierons pas le privilège qui a été le nôtre, le temps d'un été, de naviguer des montagnes alpines à la toundra polaire, du monde méditerranéen aux portes de l'Asie et de la mer noire à l'océan arctique. Cette aventure n'aurait pas été possible sans les partenaires qui, par leur participation, ont donné la possibilité à ce projet d'exister. Nous leur exprimons notre profonde gratitude.
Enfin, je remercie tous les coéquipiers, photographes, vidéastes, naturalistes et moniteurs de canoë-kayak qui de Dubrovnik, à Rovaniemi en passant par Vilnius et Bucarest m'ont rejoint pour faire vivre ce projet.
A bientôt sur les rivières d'Europe...
"Sur les rivières d'Europe" est un projet d'expédition en canoë et en autonomie sur 5 rivières parmi les plus sauvages d'Europe. A l'initiative d'Aurélien Rateau, l'équipe va naviguer sur près de 1000 km dans cinq pays différents: Italie, Monténégro, Pologne, Roumanie et Norvège au cours de l'été 2014.
• Notre site internet : http://destination-rivieres.org/
• Sur Facebook : https://www.facebook.com/rivieresdeurope
Retrouvez les articles du HuffPost C'est la vie sur notre page Facebook.
Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.