Ma première réaction fut la stupeur, puis une certaine forme de consternation quand j'ai lu sur NBC News que Facebook et Apple proposaient à leurs employées une compensation financière si elles avaient recours à la congélation d'ovocytes. Cette offre, ajoutée à leurs fameux « perks « (avantage indirect), devrait éviter à ces femmes ambitieuses d'interrompre leur trajectoire professionnelle à un moment crucial de leur carrière et être "libre de vivre la vie qu'elles veulent".
L'opération de congélation d'ovocytes coûte environ 10.000 dollars, puis 500 dollars par an pour la conservation. Longtemps réservée aux plus fortunées, Apple et Facebook offrent maintenant un soutien de 20.000 dollars aux femmes sautant le pas, le justifiant comme un dédommagement pour leur engagement au sein de l'entreprise. C'est un fait scientifique, la fertilité décroit à partir de 35 ans, progresse très vite à partir de 40 ans, pour être pratiquement nulle à 45 ans. La courbe de la fertilité est donc presque inversement proportionnelle à la probabilité de grimper les échelons ou de progresser dans sa carrière et rentre en conflit avec cette dernière. En congelant leurs ovocytes, les femmes se donnent l'opportunité de remettre leur grossesse à plus tard pour se consacrer à leur métier, réduisant les inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan de l'évolution professionnelle.
Comme de nombreuses mesures sensées promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, celle-ci est incohérente. Elle est incohérente car elle prend le problème à l'envers, en essayant de faire rentrer les femmes dans le moule d'une entreprise issue d'une société patriarcal, au lieu de reconnaitre leur différence. Derrière une prétendue opportunité accordée à ses employées, l'entreprise joue sur la culpabilité des femmes à l'égard du temps qui passe, pour se décharger de la lourde responsabilité qui consiste à réformer et adapter les pratiques au sein de sa structure.
Cette mesure prend le problème à l'envers car elle encourage une société dans laquelle s'arrêter 5 mois pour mettre un enfant au monde est préjudiciable le long d'une carrière entière. Elle encourage une société dans laquelle une femme est obligée de se plier à la pression extérieure et dans laquelle une entreprise donne une valeur monétaire à un ovocyte. Elle encourage une société dans laquelle la responsabilité de l'inégalité est rejetée sur la femme, et la rend coupable de sa propre interruption de carrière alors que c'est un problème structurel qui implique aussi bien les hommes que les femmes.
Il existe des milliers d'actions sur lesquelles réfléchir avant d'avoir recours à de telle pratique : télétravail, mesure sur les congés maternité et paternité, aménagement d'horaire, droit à la formation au retour de congé, des services de conciergerie, modération du critère de l'âge pour la détection des hauts potentiels... Mais ce sont des mesures qui demandent de la volonté, du top management et du middle management. Il faut tellement d'audace pour entreprendre ce chantier de l'égalité en profondeur, alors qu'il est si facile d'offrir aux femmes l'argent nécessaire pour qu'elle ressemble le plus aux hommes.
Cette nouvelle mesure vise encore à maîtriser un peu plus l'imprévisible de nos existences et contrôler la loterie de l'hérédité, le cœur même du brassage génétique et de la richesse de notre patrimoine humain qui tiennent dans la beauté du hasard et de la stochasticité du vivant. Cette annonce condamne en réalité ce qui donne à la vie son goût unique et surprenant, qui l'est tout autant que la volonté réelle de ses entreprises de se réformer : elle est éphémère.
Je terminerai par cette citation issue de l'article NBCNews, d'une professeure associée en Obstétrique et Gynécologie de Stanford qui m'a laissée songeuse "La congélation d'ovocytes c'est comme les assurances auto: Vous espérez que vous ne l'utiliserez jamais, mais si vous vous trouvez dans une situation où vous en avez besoin, vous êtes content-e-s d'avoir pris les précautions."
L'opération de congélation d'ovocytes coûte environ 10.000 dollars, puis 500 dollars par an pour la conservation. Longtemps réservée aux plus fortunées, Apple et Facebook offrent maintenant un soutien de 20.000 dollars aux femmes sautant le pas, le justifiant comme un dédommagement pour leur engagement au sein de l'entreprise. C'est un fait scientifique, la fertilité décroit à partir de 35 ans, progresse très vite à partir de 40 ans, pour être pratiquement nulle à 45 ans. La courbe de la fertilité est donc presque inversement proportionnelle à la probabilité de grimper les échelons ou de progresser dans sa carrière et rentre en conflit avec cette dernière. En congelant leurs ovocytes, les femmes se donnent l'opportunité de remettre leur grossesse à plus tard pour se consacrer à leur métier, réduisant les inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan de l'évolution professionnelle.
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Cette mesure prend le problème à l'envers car elle encourage une société dans laquelle s'arrêter 5 mois pour mettre un enfant au monde est préjudiciable le long d'une carrière entière. Elle encourage une société dans laquelle une femme est obligée de se plier à la pression extérieure et dans laquelle une entreprise donne une valeur monétaire à un ovocyte. Elle encourage une société dans laquelle la responsabilité de l'inégalité est rejetée sur la femme, et la rend coupable de sa propre interruption de carrière alors que c'est un problème structurel qui implique aussi bien les hommes que les femmes.
Il existe des milliers d'actions sur lesquelles réfléchir avant d'avoir recours à de telle pratique : télétravail, mesure sur les congés maternité et paternité, aménagement d'horaire, droit à la formation au retour de congé, des services de conciergerie, modération du critère de l'âge pour la détection des hauts potentiels... Mais ce sont des mesures qui demandent de la volonté, du top management et du middle management. Il faut tellement d'audace pour entreprendre ce chantier de l'égalité en profondeur, alors qu'il est si facile d'offrir aux femmes l'argent nécessaire pour qu'elle ressemble le plus aux hommes.
Cette nouvelle mesure vise encore à maîtriser un peu plus l'imprévisible de nos existences et contrôler la loterie de l'hérédité, le cœur même du brassage génétique et de la richesse de notre patrimoine humain qui tiennent dans la beauté du hasard et de la stochasticité du vivant. Cette annonce condamne en réalité ce qui donne à la vie son goût unique et surprenant, qui l'est tout autant que la volonté réelle de ses entreprises de se réformer : elle est éphémère.
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