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Découvrir ce que l'on ne fait que voir

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Depuis plus de 15 ans, les CHU de Brest et de Lyon coopèrent de manière très étroite dans le domaine de l'orthopédie du genou. Cette coopération a donné lieu à de nombreux travaux de recherche et publications.

Les chemins de la découverte scientifique sont parsemés de surprises, d'inattendus et parfois de réussite. De toute façon, on ne sait jamais où ils vont nous mener ! Comment en vient-on un jour à comprendre ou ne serait-ce qu'à voir ce qu'on a pourtant sous les yeux depuis parfois des années ? On pourrait penser que l'anatomie du corps humain n'a plus de secret pour les médecins qui l'étudient et le dissèquent depuis des siècles. Pourtant chaque jour nous montre que l'on n'a jamais fini d'apprendre, de découvrir et de comprendre.
Et puis un jour, on regarde différemment ces structures inconnues. Et alors on cherche à les décrire, à leur donner une identité.

En 2010, cela fait longtemps que nous côtoyons sans le voir ce qui allait s'avérer être un nouveau ligament du genou. Et puis un jour une interrogation plus poussée, une intuition nous conduit à pratiquer les premières dissections, à mener les premières études anatomiques et histologiques. En s'intéressant de plus près à cette structure, nous venions de lui donner une identité et de "doter" le corps humain d'un ligament nouveau !

Ce mécanisme de la découverte, finalement très courant empruntent les voies mystérieuses de la sérendipité. La sérendipité décrit cette capacité à découvrir, créer ou imaginer quelque chose de nouveau sans l'avoir expressément cherché, à l'occasion d'une observation fortuite mais surtout correctement interprétée. De Christophe Collomb à pasteur, de Sherlock Holmes à Fleming, nombreux sont ceux qui doivent leur découverte à la sérendipité autant qu'à leur capacité d'analyse. Nous n'avons pas inventé ce nouveau ligament. Il était bel et bien là, sous nos yeux, depuis toujours. Le Pr Masquelet de l'APHP est un grand spécialiste de ce concept. Il rappelle à ce propos qu' "il faut connaître et en même temps faire abstraction de la connaissance établie pour se mettre en disposition de trouver quelque chose de réellement nouveau".

A ce stade de la découverte, nous apprîmes après une analyse rapide de la littérature scientifique qu'un médecin marocain avait déjà dans les années 50 écrit sur la possibilité de ce ligament. Nous avions en quelque sorte repris et approfondi des travaux déjà réalisés.

Deux ans plus tard, un des internes du CHRU de Brest, le Dr Vincent, partait en stage à Lyon. Son travail de recherche consistait à analyser et décrire une autre structure du même type dans le genou. Ce travail devait quelques mois plus tard aboutir à la découverte d'un deuxième ligament inconnu !

Les découvertes en anatomie sont souvent des approfondissements de description déjà faites. Reprendre les travaux des anciens est sans doute la 1ère source de découvertes à venir. Mis à la portée de nos mains par les outils de recherche et de traduction, ce potentiel de recherche s'avère tout à coup inouïe.

C'est ce que viennent à nouveau d'illustrer l'équipe de l'Université de Médecine de Louvain qui a su s'appuyer sur ces découvertes et publications de l'époque pour compléter la description et la compréhension de ces nouveaux ligaments. Nous ne pouvons que nous féliciter que notre travail ait pu leur servir de socle.

L'information et les outils qui permettent d'y accéder vont de plus en plus aider le chercheur à faire progresser sa discipline. Mais devant le foisonnement de l'information médicale, le chercheur comme le journaliste, va aussi de plus en plus se trouver confronter à la question de la vérification de ses sources d'information, de leur contenu, de ses auteurs, de son origine... C'est la crédibilité même des travaux scientifiques qui est en jeu ici. Une information non vérifiées ou aux sources obscures laisse planer le doute quant à son intérêt, sa validité, ses objectifs. Ne pas vérifier est d'autant plus condamnable que tous les outils sont entre nos mains pour y parvenir rapidement.

Il ne s'agit pas de chercher pour chercher, mais encore de ne pas perdre du vue dans cet effort obstiné la finalité de la médecine : soulager des patients. C'est au prix de ces efforts que l'information sortira du flux hirsute et frénétique des autres informations pour être analysée, vérifiée, discutée. C'est au prix de cette obsession de l'honnêteté intellectuelle que la recherche scientifique se transformera en progrès humain.

Y avoir apporté sa part est une récompense infiniment plus gratifiante que toute autre.

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