
MISE À JOUR : Les propositions sur la fin de vie remises vendredi à François Hollande prévoient d'instaurer un droit à une "sédation profonde et continue" jusqu'à la mort pour certains malades incurables qui en feraient la demande, a annoncé vendredi le député Alain Claeys (PS). Les directives anticipées dans lesquelles chacun peut stipuler son refus d'un acharnement thérapeutique en cas de maladie grave seraient "contraignantes" selon ces propositions, a précisé le député.
François Hollande a annoncé que le débat aurait lieu à l'Assemblée nationale "dès le mois de janvier". Il propose également un "enseignement spécifique" pour les professions médicales et "plan triennal" pour les soins palliatifs.
FIN DE VIE - L'engagement portait le numéro 21 dans le programme du candidat Hollande. Il promettait alors qu'une personne "en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable puisse demander à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité". Mais depuis le 6 mai 2012, le président de la République n'a eu de cesse de multiplier les missions et demander des avis d'experts, repoussant ainsi le moment de décision.
Ce vendredi 12 décembre marque une nouvelle étape vers une évolution de la législation en vigueur. François Hollande va recevoir un rapport de la part de deux députés, missionnés avant l'été pour lui soumettre des améliorations au texte voté en 2005. Il s'agit du socialiste Alain Claeys et de l'UMP Jean Leonetti, auteur de la loi qui porte son nom et qui régit la fin de vie.
Celle-ci interdit l'acharnement thérapeutique et autorise l'arrêt des traitements lorsqu'ils sont jugés disproportionnés. Mais elle exclut l'euthanasie, soit le fait de donner volontairement la mort comme en Belgique ou aux Pays-Bas et les deux parlementaires ne semblent pas disposés à aller aussi loin. Les députés ne devraient pas non plus proposer la légalisation du suicide assisté, pratiqué en Suisse, bien qu'une très grande majorité des Français y soient favorables. La barre des 90% est bien souvent franchie dans les sondages.
Mais dans un pays encore très marqué par la mobilisation contre le mariage pour tous, l'exécutif veut s'éviter de rouvrir les plaies; les anti-euthanasie ont d'ailleurs annoncé un rassemblement pour samedi au Trocadero tandis que ses défenseurs organisent une action ce vendredi devant l'Assemblée nationale. De quoi contraindre François Hollande à privilégier les options les plus consensuelles. Parmi elles, une attention toute particulière devrait être portée aux directives anticipées. "Ce qui me paraît essentiel c'est que la volonté des patients soit entendue", estime la ministre de la Santé Marisol Touraine.
2,5% des Français ont écrit leurs directives anticipées
La loi de 2005 prévoit que "toute personne majeure peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite, appelée directives anticipées, afin de préciser ses souhaits quant à sa fin de vie, prévoyant ainsi l’hypothèse où elle ne serait pas, à ce moment-là, en capacité d’exprimer sa volonté". Elles peuvent être écrites sur une feuille blanche ou à partir de formulaires comme celui proposé par l'Assurance-maladie. Une écriture manuscrite est nécessaire mais si la personne ne peut les écrire elle-même, deux témoins doivent être présents au moment de la rédaction.
Officiellement, elles sont valables trois ans et doivent donc être régulièrement renouvelées. Certaines associations comme l'ADMD (Association pour le droit à mourir dans la dignité, pro-euthanasie) acceptent de stocker ces déclarations et s'engagent même à prévenir la personne quand le délai de trois ans se rapproche. Pour éviter que des personnes oublient de renouveler leurs directives, (le Comité consultatif national d'éthique a mis en évidence le problème de personnes atteintes d'Alzeihmer), les deux parlementaires devraient préconiser d'allonger ce délai. Selon eux, comme de l'avis de la très grande majorité des spécialistes, tout doit être fait pour faciliter l'accès à cette pratique. Car le constat est sans appel: ce pan de la législation échappe à la connaissance des patients.
Une étude de l'Ined publiée en novembre 2012 arrivait à la conclusion que "la rédaction des directives anticipées reste, en pratique, très rare". Alors même que 69% des Français disent avoir réfléchi à ce qu'ils souhaiteraient dans une situation de fin de vie et que 28% en ont parlé à un proche, seulement 2,5% des Français ont formalisé ces préconisations. La faute notamment à une information largement insuffisante, aucune campagne nationale de communication n'ayant été faite à ce sujet.
L'affaire Vincent Lambert l'a très bien mis en évidence. En l'absence de ces directives, tenir compte de la volonté du malade est très difficile, y compris quand il les a exprimées oralement. Le tribunal avait même affirmé qu'on ne pouvait pas savoir ce que désirait cet homme, alors même que sa compagne assurait qu'il lui avait dit qu'il ne souhaitait pas un prolongement des traitements.
Qu'elles s'imposent au médecin
Pourtant, les médecins assurent tenir compte de ces directives. Elles ont été un élément important pour 72% des décisions médicales de fin de vie, rappelle l'étude de l'Ined. Un élément important mais pas décisif. Voilà toute la nuance. Telle que la loi est aujourd'hui rédigée, ces recommandations n'ont qu'aucun pouvoir contraignant. "Dans la mesure où elles témoignent de votre volonté alors que vous étiez encore apte à l’exprimer et en état de le faire, elles constituent un document essentiel pour la prise de décision médicale. Leur contenu prévaut sur tout autre avis non médical, y compris sur celui de votre personne de confiance", peut-on lire sur le site du ministère de la Santé.
Mais s'il est aussitôt précisé que le praticien est tenu de les consulter et d'en tenir compte, il peut décider de ne pas les suivre. "Celui-ci reste libre d’apprécier les conditions dans lesquelles il convient d’appliquer les orientations que vous aurez exprimées", note le ministère.
Les deux parlementaires qui remettent leur rapport à François Hollande souhaitent que ces directives s'imposent désormais aux médecins. C'était également le sens de recommandations précédentes adressées au chef de l'Etat par Didier Sicard, qui fut nommé à la tête d'une mission sur la fin de vie. Pour les associations favorables au suicide assisté, davantage de personnes seraient enclins à rédiger leurs directives s'ils sont sûres qu'elles s'imposeront aux médecins. Ce serait alors un premier pas vers la possibilité pour chacun de choisir ses derniers instants.
Illustration réalisée par Jérémie MOREAU.
Né en 1987 en région parisienne, Jérémie réside aujourd’hui à Valence. Depuis l’âge de 8 ans, il participe au concours de la BD scolaire d’Angoulême et obtient le prix tant convoité en 2005, à l’âge de 16 ans. Il poursuit des études aux Gobelins, dans la conception de films d’animation, laissant quelque temps de côté́ la bande dessinée. Cette expérience lui fait découvrir un dessin plus en mouvement et plus expressif. Lors du dernier Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en janvier 2012, Jérémie reçoit le Prix Jeunes Talents. En parallèle, il travaille dans le cinéma d’animation, comme “character designer” (Moi, moche et méchant 2 et Le Lorax). "Le Singe de Hartlepool", sa première publication, a reçu de nombreux prix, dont le prix des libraires 2013 et le Prix Château de Cheverny de la Bande Dessinée Historique 2013. Il a sorti son premier album solo (scénario, dessin ) "Max Winson tomes 1 et 2, qui fait partie de la sélection officielle pour recevoir le prix d'Angoulême 2015 du meilleur album.
Voir d'autres œuvres de cet auteur sur sa page Esprit BD Caisse d'Épargne et sur son blog.
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