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Médiator: après le scandale, l'heure des vérités

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SANTÉ - Le médecin cardiologue que je suis, le député que j'ai été, le citoyen que je reste, connait bien sûr la force du spectaculaire, l'impact des nouvelles fortes et des chiffres impressionnants, la surpression politique, sociale et médiatique, le poids de l'opinion publique et le temps nécessaire pour que les faits, les données, la réalité retrouvent la place qui, dans nombre d'affaires ou de scandales, aurait toujours dû être la leur. Ils sont une réalité de notre démocratie médiatisée, à la fois un moteur, et aussi un danger.

Pourquoi ce préalable? Car, avec l'accueil de mon livre "Médiator, un devoir de vérité", je vois peu à peu s'ouvrir les oreilles, les yeux, les esprits, hier embrumés ou volontairement fermés, de ceux qui ont eu à connaitre et à traiter de cette affaire, ou qui ont choisi, par prudence ou par dégoût, d'en rester à l'écart. Toujours plus nombreux, des confrères m'en parlent, des patients m'appellent, des lecteurs écrivent. Je pensais écrire pour l'honneur de mon métier et pour ma conscience ; je m'aperçois que l'acte de sérénité, de réflexion que j'ai voulu apporter au débat produit ses effets.

Ce sont ces qualités de médecin, cardiologue qui m'avaient valu d'intégrer la mission parlementaire sur le Mediator. Je ne connaissais rien du dossier mais, d'entrée j'avais été frappé par l'interdit qui pesait sur le débat, l'impossibilité de traiter les questions froidement, de faire ce travail qui est normalement l'un de ceux de la représentation nationale. Les choses étaient biaisées, et mon malaise n'a fait qu'augmenter au fur et à mesure des débats. Je questionnais ; on me coupait ; je demandais des chiffres, des données; on me les refusait. M.M Bapt, le président, mes confrères, à double titre, Debré et Even, d'autres intervenants multipliaient les interventions indigentes voire ineptes ; ils étaient écouté cités, repris. C'est durant nos travaux que j'apprendrais que le rapport de l'IGAS (inspection générale des affaires sociales) , qui nous était présenté comme vérité et certitude avait été réalisé en dépit de la bonne foi, de nos principes de droit et des propres règles de l'IGAS.

C'est plus tard avec beaucoup de nos concitoyens, que j'ai appris avec stupeur, que le rapporteur principal de ce document, un confrère, le docteur Aquilino Morelle, véritable Fouquier -Tinville des temps modernes, devenu en 2012 conseiller du Président de la République, François Hollande, avait été à la "soupe". Il avait un conflit d'intérêt avec un laboratoire pharmaceutique, ce qui l'avait obligé à démissionner de son poste à l'Elysée ! Mais dans cette République "irréprochable", qui cela choque-t-il encore, tant c'est devenu fréquent?

Ce que je disais gênait, dérangeait, je criais dans le désert. Je devais, avec d'autres, être, sinon exécuté, en tout cas interdit. J'ai voulu, depuis, comprendre pourquoi?

Comme souvent, en matière de santé, les chiffres avancés ont été à l'origine de ce scandale si scandale, il y a. De 1500 à 2000 morts. Ce chiffre, plus personne ne veut regarder aujourd'hui d'où il vient, comment il a été émis, extrapolé ! C'est pourtant le chiffre de beaucoup, celui régulièrement cité, par Mme Frachon, les médias, les Professeurs Even et Debré. Celui annoncé sans aucune preuve par le ministre Xavier Bertrand, comme il le dira lui-même devant la mission dans des conditions rocambolesques mais peu dignes d'un ministre de la République. Alors chargé de la santé, en alarmant haut et fort, il cherchait à se revêtir d'un sens des responsabilités que certains de ses actes précédents ne démontraient pas. Devant la mission, le ministre a dit que ce chiffre ne reposait sur aucune preuve, qu'il avait été "oralement" lâché dans une réunion et repris par les médias. Quelle honte, son rôle n'était-il pas de rétablir la vérité !

Avant de continuer, je tiens à dire une vérité capitale; une vérité au cœur de ma passion de médecin qui est l'engagement d'une vie: un seul mort est un mort de trop. Mais ne devons-nous cependant pas poser la question, pourquoi, les chiffres que j'ai avancés devant la mission, de 30 à 50 morts, n'ont jamais été interrogés, non seulement par les médias, mais surtout par les autres membres de la mission dont une majorité était médecin et en particulier le Président dont c'était le rôle et le devoir. Il apparaît maintenant que les premiers chiffres qui émanent de l'organisme public, l'ONIAM, (office national d'indemnisation des accidents médicaux) sont très voisins des miens. Comment expliquer qu'on ait dit un jour, un temps, pris pour vérité un nombre 50 fois plus élevé.

Il est surprenant que la presse d'investigation ne se pose pas la question. Il ne s'agit pas d'entrer dans une bataille de chiffres qui serait évidemment inappropriée. Mais il faut bien s'interroger. Car c'est à partir de cela que l'on a, pour l'affaire Médiator, créé un "régime d'exception", bien loin là encore de nos principes. Un régime d'exception pour faire dire aux dossiers des chiffres qui cependant ne sont pas dans les faits. N'a-t-on pas institué un régime d'indemnisation totalement dérogatoire des pratiques habituelles pour multiplier le nombre de "victimes" affichées?

Cette investigation que j'ai donc décidée, je l'ai menée avec les moyens à la disposition du public. N'importe quel observateur de bonne foi, médecin, journaliste ou simple citoyen aurait pu effectuer le même travail. N'en déplaise à ceux qui ont crié, dénoncé, accusé, à ceux qui se sont drapé dans les plis confortables de la pureté politico-médiatique, l'affaire Médiator n'est pas ce qui a été dit. Et la question désormais attend d'être posée, inévitablement, de savoir comment l'embrasement a pris. Comment le scandale a été mis en place, constitué, "fabriqué".? Par qui? Comment? Pourquoi?

Oh je sais qu'il est plus dur dans le monde des coups, des cris, des hurlements, d'être en contre-alerte qu'en alerte. En posture d'examen, de médecin, qu'en tribune avec indignation, éclats, dénonciation, critique, de tout et du contraire de tout, à la bouche. Notre époque malade donne à ceux qui en dénoncent les tares, avec simplicité, caricature et aigreur un place de choix. Le gaulliste que je suis souffre de la disparition du sens de l'Etat qui laisse la part belle aux extrêmes ; le médecin que je suis s'inquiète de voir Madame Frachon considérée comme une autorité médicale.

Le parlementaire que j'ai été s'indigne qu'une mission parlementaire galvaude délibérément sa mission. J'aurai pu écrire "j'accuse"? Ce n'est pas ma nature ; ma culture de médecin, mes engagements politiques m'ont appris la mesure, la reflexion, l'attention. Ce sont ceux de ces valeurs que je me réclame et je m'inquiète de leur disparition dans notre démocratie malade. Pourquoi les nombreux spécialistes entendus devant la commission d'enquête parlementaire, beaucoup d'entre eux dirigeant d'importants services de cardiologie n'ont-ils jamais été repris? Leurs témoignages ont été ignorés par la mission dirigée par Gérard Bapt. Comment expliquer un traitement univoque de l'information, dans ce que ces mêmes médias présentent cependant comme le scandale sanitaire du siècle?

Mon ouvrage, publié il y a 3 mois, est resté un temps confidentiel du fait d'une OMERTA médiatique. Si c'est moi qui me trompe, qu'on me le dise ! Les grands donneurs de leçon de ce monde ne veulent pas brûler ce qu'ils ont adoré. Ils ne veulent pas passer sous les fourches Caudines, mêmes si ce sont celles de la vérité. Est-il nécessaire de rappeler que lorsque Madame Frachon a écrit son livre avec son sous-titre "MEDIATOR, combien de morts?", et qu'elle a été condamnée en première instance a supprimé ce sous-titre, trente éditeurs ont fait une pétition pour que le livre paraisse avec son titre et son sous-titre. Liberté de la presse ou tentative de pression sur la justice? (en appel le sous-titre a été autorisé).

Maintenant les choses ont évolué, la presse médicale parle de mon livre, les réseaux sociaux aussi. Mais régulièrement sollicités, les intervenants dont je dénonce les apports se refusent systématiquement à débattre. Cela ne concerne pas ma personne, j'ai toujours cru qu'à la fin c'est la vérité qui triomphera. Ma démarche n'est pas personnelle, je ne recherche pas la médiatisation mais elle est animée par cette volonté farouche, cet optimisme qui sont au cœur de l'activité médicale et de l'engagement politique. Comprendre, savoir, expliquer.

L'affaire Médiator n'a plus les contours du scandale initial. Le bourreau désigné, puissant, aux manœuvres obscures, face à un médecin femme courageux et téméraire, se battant contre le système répétant pèle mêle chiffres exorbitants et condamnations sans appel, ne tient plus ; les ingrédients du "scandale sanitaire du siècle" n'ont été réunis que durant une saison politico-médiatique. Le temps de la justice arrive; tant mieux ; il faut espérer qu'elle sera sereine. Mais que vont dire Madame Frachon, MM Bapt, Debré, Morelle ou Bertrand quand cette heure va arriver? Dans la fabrication par des responsables de haut niveau d'un hurlement gigantesque, n'y a-t-il pas une forme d'atteinte à nos principes, à notre vivre ensemble, à l'équilibre de notre société au respect des malades et des citoyens? Je pose la question aujourd'hui. Je sais qu'elle sera posée plus largement demain.

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