DÉVELOPPEMENT - Chaque année, c'est un rituel, la Journée Internationale de la Femme est l'occasion de reparler de l'égalité des sexes et de l'émancipation des femmes. C'est bien. Toutefois trop souvent la question, pourtant fondamentale, du sens et de la portée réelle de cette émancipation, est trop vite expédiée.
En 25 ans à la tête de FXB, l'ONG que j'ai fondée pour permettre à des communautés constituées en réseaux de briser le cycle de l'extrême pauvreté et ainsi d'arracher leurs enfants à la spirale de la misère, j'ai pu mesurer à quel point s'impliquer dans la cause des femmes c'est œuvrer pour la paix et la sécurité mondiales. Et à l'inverse, combien l'inaction à l'égard des femmes avait des conséquences désastreuses pour chacun d'entre nous.
Au début des années 1990, le Sida ravageait les familles en Afrique. Des millions d'enfants, privés de parents devenaient la proie des pires maux : trafic humain, enfants-soldats, recrutés dans des groupes extrémistes ou comme dealers de drogues... Et en abandonnant ces orphelins à leur sort, le monde démultipliait les effets négatifs que cette « génération perdue » aurait sur les sociétés dans les années futures.
Ce phénomène est plus que jamais d'actualité et pas seulement dans les zones les plus pauvres de la planète. Il joue à pleine aussi plus près de nous, dans certaines villes et certains quartiers abandonnés depuis trop longtemps à leur sort. Comme l'a dit un membre du Gouvernement français suite aux attentats à Paris en janvier « Nous avons besoin de plus de sécurité et de ressources pour affronter le terrorisme. Mais nous devons aussi nous occuper de ce qui est capable dans notre société de produire des monstres. »
Et l'on en revient aux femmes et à ce qu'elles peuvent faire pour le monde, si seulement nous leur en donnons les moyens. Dès le début de FXB, il y a tout juste 25 ans, j'ai compris que le meilleur moyen d'aider les enfants vivant dans l'extrême pauvreté était de porter notre attention sur les femmes. Et depuis, partout dans le monde cela se vérifie : les femmes sont essentielles à la réussite de nos programmes, les VillagesFXB, qui, en trois ans, s'attaquent simultanément aux cinq facteurs de l'extrême pauvreté - santé, logement, éducation, nutrition et, élément crucial pour s'inscrire dans la durée, un capital de départ pour lancer des activités génératrices de revenus. Le plus souvent ce sont elles qui saisissent la main que nous leur tendons, qui s'organisent spontanément en réseau de solidarité et d'activité, qui comprennent le dispositif et l'opportunité qu'il représente et s'y engagent avec courage et enthousiasme.
Si, selon des évaluations indépendantes, quatre années après notre programme, 86% des familles des VillagesFXB entretiennent une indépendance économique qui leur permettent notamment d'envoyer leurs enfants à l'école, c'est en grande partie aux femmes que nous le devons.
Il y a quelques années, en partenariat avec le Centre de Santé et des Droits Humains à l'Université de Harvard, nous avons lancé une étude sur le « coût de l'inaction »*, pour quantifier les coûts économiques et sociaux pour une société qui n'investit pas dans le secours à ses membres les plus vulnérables. Le coût de l'inaction est exorbitant, bien supérieur à celui d'une intervention en amont, du côté de la prévention. Reste à en convaincre nos décideurs dont les yeux sont encore trop rivés sur le tangible et le visible. Or c'est un fait : un mal qu'on évite est moins spectaculaire que celui qu'on répare. Ce combat qui m'est cher avance néanmoins. Ainsi, le Prix Nobel d'économie Amartya Sen dans la préface qu'il a rédigée pour notre étude, demande que le « coût de l'inaction » soit adopté par les législateurs.
Mais il reste du chemin à faire. Une fois de plus, les femmes, leur cause, leur engagement, leur force, peuvent nous y aider. Je souhaiterais que la prochaine Journée Internationale de la Femme soit officiellement placée sous le thème de la paix et de la sécurité mondiales et qu'elle permette le lancement d'une initiative majeure : démontrer que les gouvernements et les législateurs qui investissent pour l'émancipation des femmes et leurs droits fondamentaux œuvrent pour la stabilité, la sécurité et le progrès de notre monde.
*The Cost of Inaction Case Studies from Rwanda and Angola (Harvard University Press)
Sudhir Anand/Chris Desmond/Habtamu Fuje/Nadejda Marques
Préface par Amartya Sen
En 25 ans à la tête de FXB, l'ONG que j'ai fondée pour permettre à des communautés constituées en réseaux de briser le cycle de l'extrême pauvreté et ainsi d'arracher leurs enfants à la spirale de la misère, j'ai pu mesurer à quel point s'impliquer dans la cause des femmes c'est œuvrer pour la paix et la sécurité mondiales. Et à l'inverse, combien l'inaction à l'égard des femmes avait des conséquences désastreuses pour chacun d'entre nous.
Au début des années 1990, le Sida ravageait les familles en Afrique. Des millions d'enfants, privés de parents devenaient la proie des pires maux : trafic humain, enfants-soldats, recrutés dans des groupes extrémistes ou comme dealers de drogues... Et en abandonnant ces orphelins à leur sort, le monde démultipliait les effets négatifs que cette « génération perdue » aurait sur les sociétés dans les années futures.
Ce phénomène est plus que jamais d'actualité et pas seulement dans les zones les plus pauvres de la planète. Il joue à pleine aussi plus près de nous, dans certaines villes et certains quartiers abandonnés depuis trop longtemps à leur sort. Comme l'a dit un membre du Gouvernement français suite aux attentats à Paris en janvier « Nous avons besoin de plus de sécurité et de ressources pour affronter le terrorisme. Mais nous devons aussi nous occuper de ce qui est capable dans notre société de produire des monstres. »
Et l'on en revient aux femmes et à ce qu'elles peuvent faire pour le monde, si seulement nous leur en donnons les moyens. Dès le début de FXB, il y a tout juste 25 ans, j'ai compris que le meilleur moyen d'aider les enfants vivant dans l'extrême pauvreté était de porter notre attention sur les femmes. Et depuis, partout dans le monde cela se vérifie : les femmes sont essentielles à la réussite de nos programmes, les VillagesFXB, qui, en trois ans, s'attaquent simultanément aux cinq facteurs de l'extrême pauvreté - santé, logement, éducation, nutrition et, élément crucial pour s'inscrire dans la durée, un capital de départ pour lancer des activités génératrices de revenus. Le plus souvent ce sont elles qui saisissent la main que nous leur tendons, qui s'organisent spontanément en réseau de solidarité et d'activité, qui comprennent le dispositif et l'opportunité qu'il représente et s'y engagent avec courage et enthousiasme.
Si, selon des évaluations indépendantes, quatre années après notre programme, 86% des familles des VillagesFXB entretiennent une indépendance économique qui leur permettent notamment d'envoyer leurs enfants à l'école, c'est en grande partie aux femmes que nous le devons.
Il y a quelques années, en partenariat avec le Centre de Santé et des Droits Humains à l'Université de Harvard, nous avons lancé une étude sur le « coût de l'inaction »*, pour quantifier les coûts économiques et sociaux pour une société qui n'investit pas dans le secours à ses membres les plus vulnérables. Le coût de l'inaction est exorbitant, bien supérieur à celui d'une intervention en amont, du côté de la prévention. Reste à en convaincre nos décideurs dont les yeux sont encore trop rivés sur le tangible et le visible. Or c'est un fait : un mal qu'on évite est moins spectaculaire que celui qu'on répare. Ce combat qui m'est cher avance néanmoins. Ainsi, le Prix Nobel d'économie Amartya Sen dans la préface qu'il a rédigée pour notre étude, demande que le « coût de l'inaction » soit adopté par les législateurs.
Mais il reste du chemin à faire. Une fois de plus, les femmes, leur cause, leur engagement, leur force, peuvent nous y aider. Je souhaiterais que la prochaine Journée Internationale de la Femme soit officiellement placée sous le thème de la paix et de la sécurité mondiales et qu'elle permette le lancement d'une initiative majeure : démontrer que les gouvernements et les législateurs qui investissent pour l'émancipation des femmes et leurs droits fondamentaux œuvrent pour la stabilité, la sécurité et le progrès de notre monde.
*The Cost of Inaction Case Studies from Rwanda and Angola (Harvard University Press)
Sudhir Anand/Chris Desmond/Habtamu Fuje/Nadejda Marques
Préface par Amartya Sen
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