PROSTITUTION - C'est l'une des artères les plus anciennes de Paris. Mais la rue Saint-Denis est surtout connue pour être un haut-lieu de la prostitution dans la capitale. L'un des derniers lieux en France où malgré la législation, les travailleuses du sexe affirment travailler en liberté. Alors que le Sénat débat ces lundi et mardi d'une proposition de loi socialiste qui vise à lutter contre le système prostitutionnel, un collectif de prostituées se mobilisent contre le texte, "le pire que l'on puisse faire pour les femmes". A sa tête, Mylène, une quadra qui "fait le tapin" depuis le début des années 2000.
Entre une audition par la commission spéciale du Sénat et une rencontre au ministère des Droits des femmes, nous la retrouvons dans un café du 2e arrondissement à quelques mètres de l'immeuble où elle possède un studio et pratique son activité comme une travailleuse indépendante. Elle-même prévient: ce qu'elle décrit, ce n'est pas la réalité de toute la prostitution, seulement une petite part, celle pratiquée par les "traditionnelles". "Cette activité a beaucoup changé avec Internet. La rue, ça ne représente plus que 20%, environ", assure Mylène. Mais pour elle, il n'est pas question de quitter les lieux et de rejoindre la toile.
"Je préfère la rue d'abord pour son mode de prospection. J'ai la personne directement en face, ça me permet de dire tout de suite si, oui ou non, je veux faire la prestation. En 15 ans, jamais personne ne m'a contraint à faire quoi que ce soit. Si l'on fait respecter des règles comme l'interdiction de la sodomie ou du fait d'embrasser, c'est justement parce que nous sommes nombreuses, que nos studios sont regroupés, que l'on a des alarmes. Les clients savent que nous sommes en position de force et qu'on va leur tomber dessus, flics y compris s'ils vont trop loin", justifie-t-elle. Et quand elle rappelle qu'ici même, une prostituée a été assassinée en 2009, elle relativise aussi tôt. "Une en six ans, c'est peu", dit-elle.
"Mon vagin, ce n'est pas un sanctuaire"
Et même la loi sur le racolage passif adopté sous le précédent quinquennat ne l'a pas dissuadé. "Je n'ai jamais été inquiétée, et heureusement avec les impôts que je paye", sourit celle qui doit verser pour le trimestre prochain 3000 euros de cotisations, correspondant à environ un tiers de ses revenus. Ce montant a baissé depuis que la proposition de loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée à l'automne 2013 en faisant fuir les clients, jure Mylène. Mais il reste confortable, supérieur en tout cas à ce qu'elle pourrait espérer d'un emploi dans le management ou les lettres, deux domaines qu'elle a étudiés dans l'enseignement supérieur.
Elle ne s'en cache pas: c'est pour "avancer dans la vie, faire des projets et ne pas compter à la fin du mois" que cette mère célibataire (elle a débuté l'activité après avoir eu sa fille) a décidé, il y a une quinzaine d'années, de sauter le pas. "Je ne cours pas après l'argent mais je veux une bonne qualité de vie, la liberté d'être mon propre patron et de ne travailler que 3 heures par jour si je le décide", poursuit-elle.
Considèrerait-elle alors la prostitution comme un travail comme les autres? Non, si l'on en juge l'anonymat qu'elle requiert pour témoigner dans cet article. "Je n'en parle pas pour protéger mon entourage de l'opprobre qui est jetée sur cette activité. Je la subis dans le militantisme, je ne vais pas l'imposer à ma fille pour qu'on lui rappelle tous les jours à l'école que sa mère est une putain. Ce n'est pas un travail comme les autres, mais c'est un travail qui me va bien", résume-t-elle. Et notre interlocutrice de s'énerver quand elle rapporte des conversations avec des militants abolitionnistes affirmant que "les contributions fiscales et sociales (qu'elle) paye ne proviennent pas d'un travail mais d'une partie de jambe en l'air".
"Mon vagin, ce n'est pas un sanctuaire. C'est une force de travail au même titre qu'un ingénieur utilise son cerveau ou qu'une mannequin exploite son corps pour travailler. Nous vendons une prestation, le client ne repart pas avec une partie de nous. Mais ça pose un problème parce qu'il s'agit des parties génitales", lance Mylène qu jure qu'elle n'a jamais d'état d'âme. "Je suis une maman, je suis sentimentale, même très sentimentale, mais je sais faire la différence entre l'affect et le physique", poursuit-elle.
"Le client jouit, moi je prend du plaisir psychologique"
Cloisonner vie privée et vie professionnelle n'est pourtant pas si simple. Il est très difficile en effet pour Mylène d'avoir une vie de couple. "Au-delà de l'acceptation de mon activité, ce serait très délicat pour mon éventuel petit copain qui pourrait être taxé de proxénétisme si on me cherchait des problèmes. Alors des relations de temps en temps oui, ça m'arrive, mais je ne me vois pas avoir une liaison régulière", affirme-t-elle.
Au final, "même si ce n'est pas rose tous les jours", elle jure que la prostitution est une activité dans laquelle elle se sent "à l'aise". "Ça ne me dérange pas de tapiner, j'y trouve même de la satisfaction. C'est la jouissance du client qui est en jeu, pas la mienne. Le plaisir que je prends est intellectuel, psychologique c'est à dire je fais du bien donc je me sens utile. Car il faut bien se rendre compte que le travail sexuel englobe beaucoup de champs humain. J'ai une utilité sanitaire et sociale, surtout que nous sommes dans une bulle de non-jugement et de non-performance. Quand je vois des gens cancéreux, ce n'est pas rien ou des gens qui n'arrivent pas à aller vers les autres. Si ce n'est pas moi qui les prends dans mes bras, qui le fera", se demande Mylène pour justifier une partie de son activité.
Pour toutes ces raisons, à un peu plus de quarante ans, Mylène n'envisage pas de changer de vie. Autour d'elle, des femmes, ses "collègues" comme elle les appellent, se prostituent depuis 20, 30, voire 40 ans. Elle aussi pourrait continuer aussi longtemps. "Ce n'est pas une question d'accoutumance ou d'argent facile, balaye-t-elle. J'aimerais bien voir ceux qui disent ça dehors quand il pleut ou qu'il fait zéro degré..."
Non, si elle poursuit, c'est pour garder sa liberté et assouvir d'une certaine manière un besoin de ne pas faire comme tout le monde. "En se prostituant, il y a une volonté d'être un peu marginale. Alors rentrer dans le moule après avoir passé plus de 15 ans à tapiner, je ne l'envisage pas. Non pas que je n'en sois pas intellectuellement capable. Seulement, je crois, que ça m'emmerderait."
Entre une audition par la commission spéciale du Sénat et une rencontre au ministère des Droits des femmes, nous la retrouvons dans un café du 2e arrondissement à quelques mètres de l'immeuble où elle possède un studio et pratique son activité comme une travailleuse indépendante. Elle-même prévient: ce qu'elle décrit, ce n'est pas la réalité de toute la prostitution, seulement une petite part, celle pratiquée par les "traditionnelles". "Cette activité a beaucoup changé avec Internet. La rue, ça ne représente plus que 20%, environ", assure Mylène. Mais pour elle, il n'est pas question de quitter les lieux et de rejoindre la toile.
"Je préfère la rue d'abord pour son mode de prospection. J'ai la personne directement en face, ça me permet de dire tout de suite si, oui ou non, je veux faire la prestation. En 15 ans, jamais personne ne m'a contraint à faire quoi que ce soit. Si l'on fait respecter des règles comme l'interdiction de la sodomie ou du fait d'embrasser, c'est justement parce que nous sommes nombreuses, que nos studios sont regroupés, que l'on a des alarmes. Les clients savent que nous sommes en position de force et qu'on va leur tomber dessus, flics y compris s'ils vont trop loin", justifie-t-elle. Et quand elle rappelle qu'ici même, une prostituée a été assassinée en 2009, elle relativise aussi tôt. "Une en six ans, c'est peu", dit-elle.
"Mon vagin, ce n'est pas un sanctuaire"
Et même la loi sur le racolage passif adopté sous le précédent quinquennat ne l'a pas dissuadé. "Je n'ai jamais été inquiétée, et heureusement avec les impôts que je paye", sourit celle qui doit verser pour le trimestre prochain 3000 euros de cotisations, correspondant à environ un tiers de ses revenus. Ce montant a baissé depuis que la proposition de loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée à l'automne 2013 en faisant fuir les clients, jure Mylène. Mais il reste confortable, supérieur en tout cas à ce qu'elle pourrait espérer d'un emploi dans le management ou les lettres, deux domaines qu'elle a étudiés dans l'enseignement supérieur.
Elle ne s'en cache pas: c'est pour "avancer dans la vie, faire des projets et ne pas compter à la fin du mois" que cette mère célibataire (elle a débuté l'activité après avoir eu sa fille) a décidé, il y a une quinzaine d'années, de sauter le pas. "Je ne cours pas après l'argent mais je veux une bonne qualité de vie, la liberté d'être mon propre patron et de ne travailler que 3 heures par jour si je le décide", poursuit-elle.
Considèrerait-elle alors la prostitution comme un travail comme les autres? Non, si l'on en juge l'anonymat qu'elle requiert pour témoigner dans cet article. "Je n'en parle pas pour protéger mon entourage de l'opprobre qui est jetée sur cette activité. Je la subis dans le militantisme, je ne vais pas l'imposer à ma fille pour qu'on lui rappelle tous les jours à l'école que sa mère est une putain. Ce n'est pas un travail comme les autres, mais c'est un travail qui me va bien", résume-t-elle. Et notre interlocutrice de s'énerver quand elle rapporte des conversations avec des militants abolitionnistes affirmant que "les contributions fiscales et sociales (qu'elle) paye ne proviennent pas d'un travail mais d'une partie de jambe en l'air".
"Mon vagin, ce n'est pas un sanctuaire. C'est une force de travail au même titre qu'un ingénieur utilise son cerveau ou qu'une mannequin exploite son corps pour travailler. Nous vendons une prestation, le client ne repart pas avec une partie de nous. Mais ça pose un problème parce qu'il s'agit des parties génitales", lance Mylène qu jure qu'elle n'a jamais d'état d'âme. "Je suis une maman, je suis sentimentale, même très sentimentale, mais je sais faire la différence entre l'affect et le physique", poursuit-elle.
"Le client jouit, moi je prend du plaisir psychologique"
Cloisonner vie privée et vie professionnelle n'est pourtant pas si simple. Il est très difficile en effet pour Mylène d'avoir une vie de couple. "Au-delà de l'acceptation de mon activité, ce serait très délicat pour mon éventuel petit copain qui pourrait être taxé de proxénétisme si on me cherchait des problèmes. Alors des relations de temps en temps oui, ça m'arrive, mais je ne me vois pas avoir une liaison régulière", affirme-t-elle.
Au final, "même si ce n'est pas rose tous les jours", elle jure que la prostitution est une activité dans laquelle elle se sent "à l'aise". "Ça ne me dérange pas de tapiner, j'y trouve même de la satisfaction. C'est la jouissance du client qui est en jeu, pas la mienne. Le plaisir que je prends est intellectuel, psychologique c'est à dire je fais du bien donc je me sens utile. Car il faut bien se rendre compte que le travail sexuel englobe beaucoup de champs humain. J'ai une utilité sanitaire et sociale, surtout que nous sommes dans une bulle de non-jugement et de non-performance. Quand je vois des gens cancéreux, ce n'est pas rien ou des gens qui n'arrivent pas à aller vers les autres. Si ce n'est pas moi qui les prends dans mes bras, qui le fera", se demande Mylène pour justifier une partie de son activité.
Pour toutes ces raisons, à un peu plus de quarante ans, Mylène n'envisage pas de changer de vie. Autour d'elle, des femmes, ses "collègues" comme elle les appellent, se prostituent depuis 20, 30, voire 40 ans. Elle aussi pourrait continuer aussi longtemps. "Ce n'est pas une question d'accoutumance ou d'argent facile, balaye-t-elle. J'aimerais bien voir ceux qui disent ça dehors quand il pleut ou qu'il fait zéro degré..."
Non, si elle poursuit, c'est pour garder sa liberté et assouvir d'une certaine manière un besoin de ne pas faire comme tout le monde. "En se prostituant, il y a une volonté d'être un peu marginale. Alors rentrer dans le moule après avoir passé plus de 15 ans à tapiner, je ne l'envisage pas. Non pas que je n'en sois pas intellectuellement capable. Seulement, je crois, que ça m'emmerderait."
LIRE AUSSI
» Pénalisation du client : ce qu'en pensent les policiers
» La France veut punir les clients des prostituées. Quelles autres solutions ?
» BLOG. Se prostituer, ce n'est pas seulement écarter les cuisses
» BLOG. La prostitution, je l'ai vécue comme une suite de viols
» Retrouvez toute l'actualité en direct en cliquant ici
Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.