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Quand des mères porteuses américaines viennent vendre leurs ventre en France

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Fin septembre 2013, une société américaine de mères porteuses au nom prometteur d'"Extraordinary Conceptions" organisait à Paris une réunion pour proposer ses services à ses clients français potentiels. Au menu: entretiens spécialisés avec traducteur, avocat et gynécologue, présentation des contrats, de grilles tarifaires, de catalogues de mères porteuses et de "donneuses" (ou plutôt vendeuses) d'ovocytes, mise en avant des options (choix du sexe de l'enfant, etc).

En janvier 2014, une association ("Juristes pour l'enfance") déposait plainte contre X et transmettait les preuves, dont un enregistrement vidéo, au Procureur de la République.

Cette plainte est fondée sur l'article 227-12 du code pénal, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de s'entremettre ou de tenter de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter cet enfant en vue de le leur remettre. 

L'association, dont la première initiative sur le plan pénal (au sujet de la circulaire Taubira) était pour le moins hasardeuse, a cette fois-ci vu juste.

Le ministère de la Justice estimait en janvier qu'aucune poursuite ne serait possible puisqu'il s'agirait uniquement de réunions d'information et que la transaction n'est pas effectuée sur le sol français. Cette position ne préjuge en rien de l'issue de la plainte, puisque le garde des sceaux ne peut plus donner d'instructions dans les affaires individuelles.

Cette impuissance affichée a visiblement donné des ailes à l'agence de mères porteuses : elle annonce désormais sur son site une tournée pendant tout le mois mars prochain dans plusieurs villes françaises, sous le prétexte de soutenir l'égalité des droits des homosexuels. Prétexte vague, mais objectif commercial précis : des consultations privées sont prévues. Le contournement de la loi française est un argument de vente en direction de clients aussi bien hétérosexuels qu'homosexuels.

Or, la prétendue impossibilité de poursuivre n'a aucune justification juridique solide.

Le ministère adopte ici une lecture restrictive de la notion d'entremise, qui n'est pas précisément définie par le code pénal, et de l'application territoriale de la loi pénale. Il n'y a probablement pas besoin qu'une transaction ait été conclue avec la mère porteuse pour poursuivre. Tout dépendra de ce qui sera retenu comme éléments constitutifs du délit d'entremise en matière de GPA, sur lequel il n'y a pas de jurisprudence pertinente : l'article 113-2 du code pénal prévoit qu'une infraction est réputée commise sur le territoire français dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. Et vu la détermination de la Cour de cassation, dans ses formations civiles, pour lutter contre le phénomène de la GPA transnationale, on peut également s'attendre à ce que la chambre criminelle de cette même Cour soit moins frileuse que le ministère.

Surtout, la simple tentative est également réprimée. Si le couple demandeur ne donne pas suite, la personne qui a tenté de s'entremettre est punissable si cette tentative a eu lieu en France. Par exemple dans un immeuble parisien. Peu importe le lieu où aurait été signé un contrat de mères porteuses qui n'a, justement, pas été signé à la grande déception de l'entremetteur.

La réalisation d'une enquête sérieuse permettrait à tout le moins d'en savoir plus.

Par exemple de savoir plus précisément jusqu'où sont allés les représentants de la société dans leurs discussions ou négociations avec leurs clients ? Des documents sont-ils signés en France ? Quid des personnes qui, en France, mettent les couples en relation avec la société de mères porteuses venue à Paris? Le site internet parle d'une assistance administrative et médicale en France. Qu'en est-il concrètement?

Il paraît clair que ces réunions ne sont pas qu'informatives. C'est un véritable démarchage. Pour mémoire, cette même société était déjà venue à Paris en juillet 2011 pour une conférence suivie de consultations privées et rabais de 7000 dollars sur le programme de GPA pour les participants, bébé clés en mains garanti. Simple réunion d'information? Et la tournée du mois de mars?

Ces tournées promotionnelles de sociétés de mères porteuses, devenues plus discrètes depuis le tapage suscité par celle du Lutétia l'an dernier, sont suffisamment fréquentes pour qu'il soit possible de mettre au clair ce qui s'y passe. Et nécessaire d'y mettre un terme.

On ne voit pas bien pourquoi les pouvoirs publics se borneraient à regarder les trains passer. A titre de comparaison, si une société de ce type venait à Paris proposer ses services pour trouver des enfants adoptables à l'étranger contre rémunération tout en prenant la précaution de faire établir les contrats à l'étranger (l'article 227-12 du code pénal punit également l'intermédiation pour l'adoption à titre lucratif), on imagine mal le parquet rester les bras ballants. Il n'y a pas de raison de réagir différemment pour les sociétés de mères porteuses.

En réalité, il ne s'agit pas d'un problème de faisabilité juridique mais d'une question de volonté. Espérons que le parquet fera preuve de davantage de détermination que son ministère de tutelle.

Et pour que le message soit clair vis-à-vis des autres sociétés adeptes de ce genre de pratiques, le temps est peut-être venu de créer un délit spécifique visant le démarchage en France en vue de la conclusion de conventions de mères porteuses à l'étranger, et/ou le simple fait de venir y proposer de tels services.

Une telle initiative, qui serait en parfaite conformité avec les convictions affirmées avec constance sur ce sujet par le Président de la République, rencontrerait un large soutien tant à gauche qu'à droite du paysage politique.

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