eMag SUEZ ENVIRONNEMENT - L’astrophysicien franco-canadien Hubert Reeves est Président de l’association Humanité et Biodiversité depuis 2001. Celui qui prône la défense de l’environnement a décidé de s’engager concrètement pour le défendre. Rencontre.
Vous pointez les menaces sur la biodiversité, mais également celles sur l’humanité. Pensez-vous réellement que l’être humain pourrait disparaître un jour ?
Les menaces sur la biodiversité sont autant de menaces pour l’humanité, qui en fait partie et en dépend. Notre espèce s’est servie de son intelligence pour profiter des richesses de la nature, mais le trésor s’épuise et nous serons fort dépourvus quand il sera dilapidé. Comment nous nourrir si la fertilité des sols est compromise ? Comment se vêtir sans les textiles issus de la biodiversité végétale actuelle ou de la chimie des hydrocarbures hérités de la biodiversité du passé ? Les besoins vitaux d’une humanité si nombreuse pourraient ne plus être satisfaits pour une partie sans cesse croissante de la population mondiale.
Peut-on repenser la biodiversité sans mettre l’être humain au centre du système ?
Les humains sont la cause de la crise. Ils pourraient trouver la solution, résoudre le problème. Leur intelligence est grande. Eux seuls parmi la multitude d’espèces ont développé au plus haut point les arts, les sciences, les technologies. Eux seuls peuvent rectifier le tir. Mais ils doivent d’abord décider de mettre leur intelligence au service du vivant. C’est en marche, mais ce n’est pas encore suffisant. On ignore encore qui l’emportera des forces destructrices ou des forces de métamorphose, en ce moment toutes à l’œuvre.
Comment faire cohabiter croissance économique et biodiversité ?
C’est lié. Pas d’économie sans matières premières. Mais le plus difficile est de trouver les voies pour passer du monde du XXe siècle au monde de demain. Les périodes de transition sont difficiles. On sait ce qu’il faut quitter, mais on ne connaît pas l’avenir. On peut se tromper. Difficile d’avoir des certitudes sur les chemins à prendre : au bout, est-ce que cela sera une impasse ou une belle avenue ? Le développement durable a besoin de trois piliers traités à la même hauteur et la sphère de compétence de notre association concerne l’environnement. Pour créer les paliers permettant de passer d’un monde à l’autre ensemble, il faut bien sûr l’apport des mondes de l’économie et du social, chacun contribuant aux compromis nécessaires dans une société qui reste démocratique, car nul n’a encore inventé un meilleur régime. Les épées de Damoclès au-dessus de nos têtes devraient renforcer la solidarité, y compris dans le monde politique.
Selon vous, quel rôle devraient jouer les États, les collectivités, les entreprises… dans la préservation de la biodiversité ?
Tout le monde doit être sur le pont, mais les responsabilités incombent aux décideurs. Sans soutien de l’opinion, une décision est-elle suivie de sa mise en application ? Il importe donc que l’État le premier, ainsi que toutes les structures et personnes, des collectivités territoriales jusqu’au simple citoyen, soient bien informés, d’où la nécessité d’accroître la recherche, les passeurs de savoir, les débats publics, la démocratie participative bien organisée. La démocratie représentative est à consolider pour mieux faire face aux défis.
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