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Teletech : ce centre d'appel qui réinvente le bureau

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VIE DE BUREAU - Il est à la tête d'une entreprise de 500 salariés auxquels s'ajoutent 2.500 collaborateurs répartis dans 14 sites de production. Ses clients sont de grandes entreprises publiques quand d'autres sont cotées au CAC40. Adepte de la pochette de costume, l'homme arbore un sourire bright, alors forcément quand Emmanuel Mignot vient nous chercher en Kangoo en gare de Dijon, on est un peu surpris.

"C'est mon véhicule de chasse" plaisante-t-il. Ce que ce Pdg veut nous montrer? Un centre d'appel nouvelle génération, Teletech campus, le navire amiral de l"entreprise, le leg de ce patron à la profession. Grands plateaux, couleurs, espace, calme: "un site incomparable et unique" affirmait l'ex-ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique, Fleur Pellerin, "une nouvelle vision de l'entreprise" a surenchérit François Rebsamen, le sénateur-maire de Dijon, devenu ministre du Travail et de l'Emploi, qui a subventionné le projet.

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Le bureau poussé à son paroxysme

Un centre d'appel? Il y a de quoi hésiter. Dans l'imaginaire collectif, ils sont souvent synonymes d'entreprises délocalisées où des conseillers malhabiles ne parviennent que rarement à répondre à vos questions. Bâtards de la relation client nés du croisement de la société de consommation et des services, c'est là qu'on vous fait patienter sur du Vivaldi lorsque la chaudière est en panne. C'est aussi d'ici qu'on essaye de vous vendre des produits dont vous n'avez pas besoin.

Absurde, les centres d'appel ont aussi réputation de l'être en matière d'organisation du travail. Cadences infernales, flicage, chronométrage, c'est le bureau poussé à son paroxysme. La cause? Une mutation technologique: l'arrivée sur le marché de commutateurs téléphoniques hors de prix qui permettent d'augmenter le nombre d'appels. Les commerciaux ont alors un argument imparable: certes ils sont hors de prix, mais l'accélération du rythme de travail permettra de les amortir rapidement.

emmanuel mignot


Les machines d'abord, les cadences ensuite. La conséquence: une taylorisation à outrance dont le facteur humain a été écarté. "J'ai toujours été frustré, déçu, mortifié par ce métier qui a une image épouvantable, alors qu'il consiste à aider des gens quand il y a un soucis", raconte Emmanuel Mignot. Dont acte. Avec moins de 1% par an de turnover contre une moyenne de 30% dans la profession, Teletech fait pourtant déjà partie des bons élèves. Peut mieux faire, estime néanmoins le patron.

Il décide alors de s'associer à plusieurs chercheurs à l'instar de Nathalie Greenan ou d'Annie-Charlotte Giust-Ollivier pour identifier ce qui peut être amélioré. Entre le Pdg et les chercheurs s'installent d'abord un grand soupçon, qui aboutit finalement à une belle collaboration qui dura trois ans. Le résultat, un bâtiment conçu par le cabinet néerlandais MVRDV où tout a été pensé pour maximiser le bien-être des salariés.

Rompre l'uniformité

Premier principe: rompre l'uniformité. Oubliés les grands plateaux tous identiques, place à 5 ambiances différentes, à commencer par "la ruelle" d'inspiration américaine. Volume, perspective et lumière, l'espace de travail évoque celui des géants du web. Malgré sa capacité de 120 postes, le lieu étonne par le calme qui y règne grâce à un mur de panneaux acoustiques, à la fois utiles et esthétiques. Mieux, lampes à économie d'énergie, béton et bois bruts y entretiennent autant une forme de dépouillement scandinave que les comptes de l'entreprise.

Conçus par un designer maison, dix gabarits de bureaux en bambou massif permettent de multiplier les combinaisons, là encore pour rompre l'uniformité. L'objectif n'est pourtant pas que les salariés restent derrière leur ordinateur mais bien qu'ils bougent, pour ne pas se sentir enfermés. "Ça, c'est un poste de travail", lance Emmanuel Mignot en désignant un pouf, plus communément appelé fatboy ou beanbag dans l'entreprise.

teletech


"Ça choque certains de mes clients," confesse-t-il, mais qu'importe. Le Pdg vient d'ailleurs de passer une nouvelle commande de tablettes pour permettre à ses conseillers de passer leurs appels confortablement installés grâce à des combinés téléphoniques à infrarouge.

Liberté de mouvement d'un côté, liberté d'initiative de l'autre, les salariés sont autonomisés au maximum. "Traiter les gens comme des automates, ça ne marche pas", explique le patron. Terminé les sempiternels scripts lus mot à mot par les conseillers, chez Teletech, les conseillers participent à leur préparation. Même chose pour les pauses, sur lesquelles ils gardent la main.

Autant de petites révolutions qui s'accompagnent de changements d'ordre cosmétique: ici, on ne parle plus de "superviseurs" mais de "pilote" dont les responsabilités sont collectives, meilleur moyen d'éviter le phénomène du petit chef.

Investir dans les personnes

La véritable innovation intervient en amont. Quatre mois et demi de formation, contre quelques jours à peine en moyenne, de quoi armer les futurs conseillers avant qu'ils ne rentrent en poste. Au-delà de la stratégie marketing, des réseaux sociaux ou de la dactylographie, celle-ci est résolument orientée sur les personnes: humour pour dédramatiser, yoga pour s’apaiser ou encore gestion du stress pour se calmer en cas de surchauffe, les conseillers sont plus qu'équipés.

"On relâche parce qu'il y a de la tension en face. C'est paradoxal mais avec Internet et les réseaux sociaux, les clients sont de plus en plus exigeants, ils en rajoutent, appellent depuis leur portable quand ils marchent dans la rue, ça rajoute une pression supplémentaire", explique Emmanuel Mignot, "au terme de quatre mois et demi de formation, les conseillers sont forcément plus relax". Le résultat, ce sont aussi des employés heureux qui se saluent, se parlent. Un cliché qui n'en est pas moins réel.

teletech


"Quand j'ai su que j'allais travailler en centre d'appel ma première réaction a été d'avoir peur", confesse Anouk 22 ans, en poste depuis septembre 2012, "mais ici on nous tient un langage différent, c'est comme une deuxième famille". "On est super bien, on a envie de travailler", surenchérit Farida, sa voisine de poste (l'une comme l'autre ont été interrogées au hasard), qui s'est installée à Dijon après plusieurs mauvaises expériences au sein de centres d'appel franciliens.

"Certains ont encore l'idée que plus vous contrôlez, plus vous avez de la qualité mais dans notre métier on a compris que c'était l'inverse, ça a été un choc", raconte Emmanuel Mignot, "on est en train de démontrer que ce n'est pas parce que les employés seront sous pression qu'ils auront de meilleurs résultats", poursuit-il. En résumé: "On ne peut pas définir la qualité, on la reconnaît quand on la voit", affirme une citation du sociologue des organisation Henry Mintzberg sur un mur de Teletech Campus. Comme un leitmotiv.


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