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La cocaïne, cette fausse amie

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"Allez, encore un trait, le dernier cette fois", dit Ludovic à Julien, son vieil ami qui l'a présenté à la cocaïne. Mais ça ne sera pas le dernier. Ça sera l'avant, avant, avant dernier. Sur le pas de la porte, au moment de se dire au revoir, cette fois-ci Ludovic prépare une dernière ligne, sniffe, et trouve enfin la force de s'en aller. Ludovic rentre alors chez lui, une fois de plus dans un état surexcité. Il est 6 heures du matin. Il se couche, reste quatre heures à se retourner sans pouvoir dormir, gamberge sans pouvoir fixer son attention, nage dans sa transpiration, et trouve finalement le sommeil.

Au réveil, il ressent une fatigue extrême. C'est comme s'il n'avait pas dormi. Comme si on lui avait prêté pour la journée le cerveau d'une momie. Il traverse donc la journée suivante comme un zombie, trop épuisé pour faire quoi que ce soit, mais encore trop énervé pour faire une sieste. Il cherche une trêve avec lui-même qu'il ne trouve pas. Il est agressif, impatient, déprimé, bref, désespéré, et il le sait, ce qui le désespère d'autant plus. Il essaie de se calmer. Il joue avec les forces animales de son caractère et cela l'épuise, enfin, mais jamais complètement. Et pourtant, le soir même, lorsque son ami Julien l'appelle pour aller boire un verre, il espère secrètement que leur soirée débouchera sur le même rituel que celui de la veille.

La cocaïne incruste en Ludovic un message très clair: "Reviens vite. Ce que tu as pris n'est pas suffisant. Mais la prochaine prise, elle, sera satisfaisante". Comment négocier avec une voix aussi hypnotisante et diabolique? La volonté seule peut-elle suffire à défaire cette emprise?

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L'addiction est une habitude qui se forge dans les rires et l'insouciance, et qui se défait dans l'angoisse, l'amertume et la souffrance. Ceci dit, nous ne sommes pas égaux face à la cocaïne: certains peuvent en prendre beaucoup une seule fois et renoncer très vite, d'autres peuvent tomber dans le trou de la dépendance et se flétrir immédiatement, tandis que d'autres peuvent vivre une longue vie de cocaïnomane, carburant à trois grammes par jour. Mais il n'y a pas de cocaïnomane heureux.

Puiser son plaisir dans la chimie altère la nature même du plaisir, son immédiateté, sa spontanéité, sa fraîcheur, et son sens. La cocaïne est peut-être la drogue qui s'approche le plus d'un plaisir immédiat, tonique, bouillonnant, festif, en un mot: positif. Malheureusement, tout ce qu'elle apporte, elle le retire également, parfois violemment, et après les jeux olympiques, c'est la guerre des tranchées.

Ce que le cocaïnomane n'arrive pas se représenter c'est l'après, le lendemain, le flop. Le moment où il se réveille. Le moment où il tire les rideaux. Ses gestes sont lourds, poisseux, pénibles. Mais une fois en face de la drogue, pourquoi oublie-t-il cette routine cauchemardesque qui risque de l'attendre? Avec la cocaïne, comme avec la plupart des drogues, l'esprit se branche en mode RÉCOMPENSE IMMINENTE, et semble faire le vide autour de la substance qui va le satisfaire tout de suite. Le striatum - centre cérébral principalement visé par la cocaïne - devient très actif, étant très stimulé par la dopamine (voir article précédent). D'autres centres cérébraux (comme l'hippocampe ou le cortex) impliqués dans l'anticipation globale, voient peut-être leur fonction relayées au second plan, permettant la suprématie fonctionnelle du striatum lors de la prise de drogue. Mais cela reste encore à être scientifiquement prouvé.

Pourquoi cette-drogue est-elle si populaire et si démocratisée? D'abord parce que c'est le meilleur rapport quantité/prix. On peut donc en avoir beaucoup en toute discrétion. Ensuite parce que la prise est facile: il n'y a pas vraiment de préparation particulière. On voit souvent Ludovic lors de soirées se tourner et en moins de cinq secondes prendre un peu de poudre sur sa clef et la sniffer. Parce que c'est une drogue inodore. Enfin, parce que la cocaïne excite, vivifie, exalte, réveille. C'est la drogue de ceux qui ont un coup de mou mais qui veulent profiter de l'instant. Ceux qui veulent vivre leur nuit avec une intensité saturante. Ceux qui craignent de s'ennuyer. Ceux qui pensent ne pas y arriver sans. Ceux qui cherchent ailleurs ce qu'ils oublient de chercher en eux-mêmes.

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