Quantcast
Channel: France C'est La Vie - The Huffington Post
Viewing all articles
Browse latest Browse all 7372

Lettre ouverte à Julie Escudier et à l'ensemble du Conseil municipal de Toulouse Métropole

$
0
0
Très chère Julie Escudier,

Je vous écris car je suis en colère.

Je viens d'apprendre votre décision d'interdire l'exposition des planches de Thomas Mathieu pour sa BD "Crocodiles" dans le square Charles de Gaulle à Toulouse, à l'occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, ce 25 novembre. Je suis M., l'anonyme qui a fourni son témoignage de viol conjugal qui semble vous poser tant problème.

Cette expérience traumatisante, que vous qualifiez de "vulgaire" et "immorale" est non seulement la mienne, mais celle de millions de femmes. Ce qui est violent, en revanche, c'est que vous refusiez d'exposer aux citoyen-ne-s la réalité que nous vivons, et qui, d'après vous, risquerait de heurter des enfants ou des adolescents. Vous n'imaginez pas à quel point nous, femmes et enfants violé-e-s, agressé-e-s, harcelé-e-s, nous sommes heurté-e-s.

Si la sensibilisation sur ce fléau doit passer par le caractère cru de notre vécu, qu'il en soit ainsi. Le témoignage que j'ai osé, rassemblant tout mon courage, apporter, a été relayé non seulement à travers le blog de Thomas Mathieu, qui l'a mis en BD , mais aussi à travers le blog polyvalence, en version écrite. Je vous conseille d'ailleurs d'aller y jeter un coup d'œil, peut-être qu'avec des mots, cette histoire vous touchera davantage, et que vous comprendrez la nécessité de communiquer sur le viol conjugal.

Nous disposons de très peu de témoignages de viols conjugaux, pourtant, chaque année, on estime à 40.000 le nombre de viols conjugaux. 50% des viols commis sur les femmes adultes sont des viols conjugaux. Les viols conjugaux représentent pourtant seulement 4% des viols jugés en cour d'assises. Refuser de mettre sur la scène publique ce problème gravissime, pour préserver une soit disant "morale" et les "bonnes mœurs", c'est en réalité décourager les femmes de reconnaître les oppressions sexistes qu'elles peuvent vivre au sein de leur couple, et de s'en libérer. C'est reproduire ces violences, en culpabilisant les victimes, plutôt qu'en leur donnant la parole. C'est nier le problème, et donner raison aux agresseurs.

Le tabou des violences conjugales est très lourd, et c'est en refusant de l'admettre et de le reconnaître que nous continuerons de reproduire ces violences. Comment lutter contre le viol conjugal, et le viol en général, si on ne parle pas clairement du problème, en utilisant des images les plus réalistes et crues possibles, pour montrer la violence qu'ils représentent?

Il est grand temps de politiser cette question, d'en faire un sujet de société, et que les femmes osent partager leurs témoignages et lutter contre l'oppression patriarcale que nous vivons toutes. Nous, féministes, nous levons contre les violences faites aux femmes, qu'elles soient verbales, psychologiques, physiques, économiques, administratives ou sexuelles. Nous nous mobilisons en ce 25 novembre, mais nous nous battons chaque jour contre les violences sexistes en général, que ce soit en accueillant les victimes de violences, en faisant en sorte qu'elles trouvent en elles les ressources pour se reconstruire, se battre et vivre de nouveau, et en militant, au quotidien, pour sensibiliser notre entourage plus ou moins proche sur ces enjeux cruciaux pour évoluer vers une société égalitaire.

C'est pour ces raisons que je vous accuse, Madame Escudier, de perpétrer ces violences, et de les faire revivre pour toutes les femmes qui sont ou ont été victimes de violences sexuelles, et particulièrement conjugales. A travers votre décision rétrograde, votre équipe municipale a pris le parti de la culpabilisation des victimes, qui raconteraient des histoires "immorales" et "vulgaires". Pensez-vous que je m'en serais sortie, si je n'avais pas mis les mots sur ce drame "vulgaire" et "immoral", que je ne l'avais pas dénoncé pour mieux le combattre et me reconstruire ? Ne pensez-vous pas que ce qui m'a aidée à m'en sortir, c'est de me rendre compte que je n'étais pas seule, que le viol conjugal n'était pas un cas isolé mais bien une réalité produite par notre société patriarcale qui prône la culture du viol?

Vous rouvrez une cicatrice douloureuse pour des milliers de femmes, et vous détournez d'un enjeu essentiel pour progresser vers une véritable égalité femmes-hommes. Le silence tue madame. Le silence c'est l'arme de notre agresseur, celle qu'il continue de nous imposer même lorsque les faits sont terminés. Garder le silence c'est rester dans la domination de l'agresseur. Imposer le silence par la censure, c'est faire le jeu de l'ensemble des agresseurs.

LIRE AUSSI :

» Violences contre les femmes: polémique à Toulouse autour d'une BD crue

» Le téléphone d'urgence pour femmes battues généralisé dans toute la France

» Le gouvernement lance un plan à 66 millions d'euros pour les violences faites aux femmes

» TRIBUNE - Pour les femmes victimes de violences passons aux actes!

» Une femme sur trois a déjà été victime de violences conjugales dans le monde

» Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici


Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.

Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.



Viewing all articles
Browse latest Browse all 7372

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>