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90 jours sans téléphone ni Internet: guide pratique de la connexion/déconnexion

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Ce billet a été envoyé par l'auteur, par la poste, sous forme de lettre manuscrite, avant d'être tapée à l'ordinateur.

Comme vous pouvez vous en douter, vivre à New York sans internet, sans ordinateur, et sans téléphone portable nécessite quelques ajustements. Après trois semaines d'expérimentation sur le terrain, voici mes observations.

Oui, je me sens bien! Je n'ai pas craqué! Et oui, c'est assez génial! Autant que je me souvienne, je n'ai jamais été aussi attentif à mon environnement. Pour m'orienter? Un guide de New York et un plan de métro. Pas de GPS, donc, pas d'itinéraire catapulté, pas d'infotrafic, ni aucun moyen de prévoir un quelconque retard dans les transports en commun. Bienvenue dans les années 1990. Ceux qui me connaissent le savent, je ne suis pas doté d'un sens de l'orientation très performant.

Non, je suis même une sorte de caricature en la matière. Enfin... c'est ce que je croyais. Depuis quelques jours, j'ai plus de facilité à m'orienter. En me montrant plus attentif à l'environnement extérieur, j'ai pris des repères clés et fais régulièrement appel à ma mémoire. Résultat, ça fonctionne! En étant l'origine du processus de recherche et plus uniquement tributaire d'un itinéraire automatique proposé par Internet, je suis plus autonome.

Encourageant, non ? J'imagine qu'en étant concentré sur ce qui m'entoure, mon cerveau analyse mieux les données spatiales et temporelles. Dans certaines situations, c'est surement un gain de temps. Par ailleurs, à l'heure où nos smartphones se targuent de nous guider "en toute simplicité", pouvoir s'orienter de soi-même est particulièrement rassurant. Et si toutefois vous aviez, vous aussi, des difficultés à retrouver votre chemin, sachez que cela procure une certaine satisfaction.

Etre plus attentif à mon environnement, c'est être plus conscient de ce qui m'entoure. A l'époque où ma vie s'organisait autour d'activités régulières (profession, école, activités de loisirs, etc.), mon smartphone m'accompagnait dans les transports en commun. C'est avec des écouteurs dans les oreilles, les yeux rivés sur mon écran, que je voyais défiler les stations, les gens, les quartiers, les heures, la vie. Autrement dit, je ne les voyais pas. Et d'ailleurs, je ne les entendais pas non plus. Non, j'étais trop occupé à observer ma vie et celle des autres au travers d'un écran, musique à l'appui. N'est-ce pas paradoxal de chercher à partager des moments de vie par la voie virtuelle, au moyen d'appareils électroniques, alors que des millions d'hommes et de femmes, de chair et d'os prennent le métro chaque jour? N'est-ce pas étonnant de basculer jour après jour dans l'individualisme, alors que nous n'avons jamais autant échangé virtuellement les uns avec les autres?

Depuis que je suis installé à New York sans Internet, sans ordinateur et sans téléphone portable, je n'ai jamais été aussi sociable. Discuter avec une personne âgée dans un bus, complimenter un homme sur ses chaussures dans le métro, offrir une part de banana nut muffin à un sans-abri, serrer la main d'un compatriote français en plein concert de jazz, tout est prétexte à la connexion! Plus vous osez approcher l'autre, et dépasser la peur du jugement, plus vous êtes à même d'apprécier la simplicité et la richesse d'une rencontre, même fortuite. Voilà ce qu'un "Parisien aigri" est capable de formuler après trois semaines de connexion/déconnexion. Imaginez après trois mois !

"Mais comment tu fais pour joindre tes proches?" Vous voyez, même vous, vous vous souciez de ma capacité à rester connecté. Pour joindre mes proches, j'utilise les cabines téléphoniques de Grand Central Station, la gare historique de New York. Je vais être honnête, c'est particulièrement frustrant. A New York, les cabines téléphoniques ne sont plus entretenues et fonctionnent mal. On n'entend pas toujours son interlocuteur ou l'inverse, deux tentatives sur trois échouent, le service n'est pas bon marché et je ne vous parle pas de l'hygiène de certaines cabines en extérieur. Comptez environ un dollar la minute pour un appel international vers un téléphone cellulaire (appeler vers un fixe n'a jamais abouti). Un dollar la minute, ça fait réfléchir. Enfin, pas trop longtemps justement ! Il faut aller à l'essentiel, chaque seconde compte. Les machines fonctionnent à la pièce et il m'est déjà arrivé d'être à court, en pleine conversation, pas le temps de dire aurevoir.

- Appel terminé, faute de ressources disponibles... Appel terminé, faute de ressources disponibles... Appel terminé, faute de...

Biiiing, je raccrochai le combiné dans un fracas métallique.

- Damned ! lui répondai-je avec poésie.

Cette semaine, j'ai préféré leur écrire.

Avant de partir, j'avais remis en service mon stylo à plume et à encre effaçable. Bel objet. Plutôt utile dans une situation comme la mienne. Le stylo plume... Sept ans qu'il traînait dans un tiroir, seulement, "écrire", ce n'est pas "taper". Je pourrais tenter d'en faire l'apologie avec des mots choisis... ou pas.

Je fais plutôt le constat suivant: écrire à la main, c'est loooooooong ! Organiser ses idées par écrits, construire ses paragraphes, faire un brouillon, plutôt deux, même, recopier au propre, tout cela prend du temps. Beaucoup plus de temps qu'en prennent mes outils de traitement de texte, véritables prestidigitateurs. Alors parfois, je procrastine...

Je terminerai ce billet en évoquant la pierre angulaire de mon expérience: la prise de rendez-vous. Effectivement, l'isolement technologique nous oblige, mes contacts locaux et moi, à prendre rendez-vous plusieurs jours à l'avance pour se voir ou s'appeler. Dans ce contexte, organisation, anticipation et ponctualité sont de rigueur. Ce "passage obligé" n'est pour le moment pas trop contraignant, mais imaginons que pour une raison x ou y, quelqu'un doive annuler ? Pire, que cette situation devienne contraignante pour l'autre: quelle influence cela aurait-il sur notre relation ? Lorsque j'évoquais l'importance du "processus de sociabilisation", je faisais notamment référence à la "fidélisation du contact". C'est-à-dire à la volonté dont chacun dispose de poursuivre une relation quelle qu'en soit la nature. Difficile pour le moment d'en mesurer les effets, mais c'est je crois le coeur de l'expérience à venir. J'espère vous lire nombreux.

A bientôt.

Dernière chose, faites-moi part de vos expériences de connexion/déconnexion et posez moi vos questions! J'en ferai une petite sélection et tâcherai d'y répondre dans mes futurs billets. Pour me joindre: M. Marc Antoine Colaciuri, Park West Station Finance, P.O BOX 20782 New York, N.Y. 10025.

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