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Dépendance à l'alcool: et si l'abstinence n'était plus la seule voie?

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"L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération": on pourrait croire que cette recommandation, répétée, martelée, tambourinée à l'envie depuis plusieurs années, a fait son chemin dans les esprits de tous nos concitoyens.

Si certains progrès ont bien été accomplis, il faut pourtant se résoudre à l'évidence: la dépendance à l'alcool demeure un problème de société majeur. Qui sait par exemple qu'après le tabagisme, l'alcool constitue la deuxième cause évitable de décès en France avec près de 50.000 morts par an? Que l'alcool est la première cause d'hospitalisation en France, avec plus d'un million de prise en charge chaque année? Qui peut croire que deux millions de personnes en France - soit plus d'un adulte sur 25 - sont dépendantes à l'alcool?

Rendons-nous compte du défi qui reste à relever: selon un rapport parlementaire de 2012, le coût induit par l'alcoolisme sur l'économie française a été évalué entre 2 à 5% du PIB, soit autant que l'ensemble des dépenses R&D engagées dans notre pays.

La dépendance à l'alcool, qui se traduit par un besoin irrépressible de boire de l'alcool, est une maladie chronique grave, au cœur des enjeux de santé publique de notre pays.

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Face à cette situation, un seul objectif semblait s'imposer: l'abstinence. Encore aujourd'hui, l'abstinence est considérée par certains comme le seul objectif de prise en charge du patient. L'unique et systématique réponse à ce fléau.

Bien entendu, l'abstinence reste aujourd'hui la modalité thérapeutique la plus sûre chez les personnes dépendantes à l'alcool, surtout si elle est associée à des troubles sévères: dépression, maladies du foie, dommages cérébraux, troubles du comportement.

Le besoin d'une alternative à l'abstinence

Cependant, l'abstinence totale reste difficile à maintenir puisqu'après traitement, seulement un tiers des patients y parviennent au bout d'un an et 10 à 20% au bout de 4 ans.

Suivre la voie de l'abstinence nécessite que le patient admette préalablement qu'il ne maîtrise plus la situation. Observons par exemple la première étape du programme des Alcooliques Anonymes, ainsi libellée: "Nous avons admis que nous étions impuissants devant l'alcool - que nous avions perdu la maîtrise de nos vies"(1).

L'abstinence, parce qu'elle est connue et réputée comme la seule solution proposée, éloigne des soins une grande partie des personnes dépendantes à l'alcool. Moins de 10% des personnes en souffrance avec l'alcool sont en traitement en Europe. La raison principale invoquée? Ils ne souhaitent pas se soumettre à l'abstinence, exigence jugée souvent inacceptable: elle est stigmatisante et impacte leur vie sociale dans une société qui, disons le, encourage à boire, même si c'est "avec modération".

Ce triste constat doit nous amener à nous interroger sur l'adéquation de l'offre de soins avec les besoins perçus par les personnes concernées. Non! L'abstinence n'est pas la seule solution pour lutter contre la dépendance à l'alcool! Il existe des alternatives thérapeutiques dont l'efficacité est aujourd'hui reconnue. Et parmi elles, celle de la réduction de la consommation.

La réduction de la consommation d'alcool: un nouveau paradigme

Puisque la volonté première des malades est avant tout une amélioration sensible de leur qualité de vie et que le simple fait de réduire sa consommation d'alcool a des effets très positifs sur la santé du patient mais également sur sa vie sociale et professionnelle, l'abstinence ne doit plus s'imposer comme l'horizon indépassable. L'enquête NESARC a permis de montrer que, bien que l'abstinence est incontestablement la modalité de rémission la plus stable, une proportion substantielle de personnes dépendantes à l'alcool se stabilisent dans leur rémission tout en consommant de l'alcool(2).

De surcroît, il faut préférer en toutes circonstances, et y compris en celle-ci, le pragmatisme aux dogmes: dans les faits, il est habituel que l'objectif de consommation des patients change rapidement dans le temps, dans un sens comme dans l'autre et que l'abstinence reste pendant très longtemps un horizon, plutôt qu'un acquis. Il apparaît donc important de ne pas démotiver les patients en leur imposant d'emblée un objectif qu'ils ne sont pas disposés à accepter.

Récemment de nouvelles solutions, alternatives à l'abstinence, ont été proposées. Les programmes de réduction de consommation s'adressant aux patients alcoolo-dépendants ont aujourd'hui montré leur efficacité.3 Ce sont autant de possibilités de prendre mieux en charge cette maladie trop souvent mal dépistée et trop peu prise en charge. Au lieu d'imposer l'abstinence comme unique solution, offrons aux patients une nouvelle alternative de traitement: "abstinence ou réduction de la consommation".

Remettons la volonté du patient au centre du dispositif de soins. Préférons le compagnonnage attentif et exigeant au surplomb commode et infantilisant. Changeons de paradigme et dirigeons-nous vers l'autodétermination du patient.

Une approche moins rigide, qui intégrerait un objectif de réduction des dommages comme alternative à l'abstinence, serait susceptible de permettre à un plus grand nombre de personnes en souffrance d'accepter de se tourner vers les soins, et aurait sans doute un impact significatif en termes de santé publique.

(1) Anonymous A. Alcoholics Anonymous. New York: Works Publishing.; 1939.

(2) Dawson DA, Goldstein RB, Grant BF. Rates and correlates of relapse among individuals in remission from DSM-IV alcohol dependence: A 3-Year follow-up. Alcoholism Clinical and Experimental Research. 2007;31(12):2036-45. Dawson DA, Grant BF, Stinson FS, Chou PS, Huang B, Ruan WJ. Recovery from DSM-IV alcohol

(3) Aubin HJ. L'abstinence à tout prix? Alcoologie et Addictologie. 2000;4:279-80. Aubin HJ, Daeppen JB. Emerging pharmacotherapies for alcohol dependence: a systematic review focusing on reduction in consumption. Drug Alcohol Depend. 2013;133(1):15-29.Sobell MB, Sobell LC. It is time for low-risk drinking goals to come out of the closet. Addiction. 2011;106(10):1715-7.


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