Alors te voilà, toi, Tim, tu m'écris, tu me lances un "SALUT!" jovial et spontané, (j'apprécie beaucoup), tu me dis que tu aimes mes histoires parce que là "tout de suite", t'as pas mal besoin de te réconcilier avec ton toubib, alors "lire ton blog, m'sieur Beaulieu ça me rappelle que derrière le bureau, sous la blouse blanche y'a toujours un bonhomme et que c'est déjà pas mal."
Tu me dis que je ne posterai pas ce message, tu le sais bien, c'est pas intéressant, mais tu veux profiter de mes oreilles virtuelles parce que tu pourras au moins faire semblant que quelqu'un t'écoute, alors qu'un arbre, le vent, Dieu, ils sont bien connus pour leur "rien à foutre, démerde-toi"...
Ensuite tu écris des mots tout simples: "Alors voilà, j'ai mal au bras", c'est ça que tu dis: tu as mal et c'est au bras, point. Même qu'il y a des jours où il s'endort et pour le réveiller tu dois faire le chimpanzé, l'agiter à tout berzingue au-dessus de ta tête, et que finalement, peut-être que t'as pas si mal au bras, puisque que quand il déconne, il te suffit de ne rien faire, à part le chimpanzé, de temps en temps, quand il est tellement endormi qu'il pourrait être mort...
Et puis ça t'arrange peut-être aussi de penser ça, parce que le truc c'est que t'es comme tout le monde, t'as mieux à faire que d'être malade, t'es cuisinier et la cuisine c'est un peu de la médecine préventive: ça te prends tout ton temps, y a des fois ou tu te flinguerais vu l'ingratitude du taff, mais t'as 10% du temps où la satisfaction procurée te rappelle que jamais au grand jamais tu voudrais d'un autre boulot, parce que non seulement tu nourris les gens, et nourrir les gens c'est basiquement les aider à pas mourir (oui, oui, c'est exactement à ça que ça sert, manger), mais en plus tu te tues à la tache en essayant qu'ils y prennent leurs pieds, tu veux les rendre heureux aux moins 10-15 minutes dans leur journée, sur 24 heures c'est pas grand-chose, mais c'est ce que tu fais, tu les aides à vivre.
Même que pour leurs trente petites secondes de soupirs satisfaits, tu te donnes quinze heures dans la journée, tu te fais mal au bras, et eux ils oublient, retournent au travail, à leurs vies et aux choses vraiment importantes. Et toi tu restes derrière tes fours, tu vis pour qu'ils puissent souffler au moins pendant ces trente MINUSCULES secondes, ça marche pas toujours, tu le sais, mais quand ça marche ton vrai salaire se trouve là.
Alors oui, t'as mal au bras, Tim, mais t'as mieux à faire et BASTA!
Seulement t'en as parlé à une amie infirmière, elle t'a fait peur, un peu, elle a parlé caillot, leucémie, "t'inquiètes c'est surement rien, mais vas consulter, mieux vaut prévenir que guérir, bla-bla-bla..."
Hem, merde, ça fait un peu flipper quand même, alors tu prends un rendez-vous chez ton médecin que t'adores parce qu'il ne t'a jamais prescrit autre chose que du repos et du jus d'orange le matin, médecin que tu vois une fois tous les ans surtout pour ta "tendinite"» (y a rien à faire, m'sieur, désolé, ça vous fera 23 euros) et de la bobologie.
Mais là tu as un peu peur quand même, seulement tu dois repousser le rendez-vous "because boulot" que tu ne peux pas refuser, parce que sinon factures-pas-payées et la rue pour ta pomme, et ton toubib qui devait pas passer une très bonne journée t'engueule et te refuse un autre rendez-vous.
En fait, tu te dis que c'est ta faute, mais du coup tu te dis que tu te soigneras quand t'auras le temps, jamais en fait, jamais, jamais, alors tu fais l'autruche, tu bosses et tu fais le chimpanzé.
Et, tu sais quoi, Tim? Ton docteur sait peut-être pas que t'es derrière tes fours et que t'essaies de rendre la vie des gens un peu moins grises (c'est pas cinquante nuances de gris en moins, mais juste une ou deux ça te suffit, tu me dis que ça te rend heureux...), ton doc. le sait peut-être pas, mais nous, ici, on le sait, maintenant, oui, oui, on le sait.
Merci Docteur Tim.
Vraiment.
L'histoire c'est T. comme Tim, l'écriture c'est moi. Merci T. !
Tu me dis que je ne posterai pas ce message, tu le sais bien, c'est pas intéressant, mais tu veux profiter de mes oreilles virtuelles parce que tu pourras au moins faire semblant que quelqu'un t'écoute, alors qu'un arbre, le vent, Dieu, ils sont bien connus pour leur "rien à foutre, démerde-toi"...
Ensuite tu écris des mots tout simples: "Alors voilà, j'ai mal au bras", c'est ça que tu dis: tu as mal et c'est au bras, point. Même qu'il y a des jours où il s'endort et pour le réveiller tu dois faire le chimpanzé, l'agiter à tout berzingue au-dessus de ta tête, et que finalement, peut-être que t'as pas si mal au bras, puisque que quand il déconne, il te suffit de ne rien faire, à part le chimpanzé, de temps en temps, quand il est tellement endormi qu'il pourrait être mort...
Et puis ça t'arrange peut-être aussi de penser ça, parce que le truc c'est que t'es comme tout le monde, t'as mieux à faire que d'être malade, t'es cuisinier et la cuisine c'est un peu de la médecine préventive: ça te prends tout ton temps, y a des fois ou tu te flinguerais vu l'ingratitude du taff, mais t'as 10% du temps où la satisfaction procurée te rappelle que jamais au grand jamais tu voudrais d'un autre boulot, parce que non seulement tu nourris les gens, et nourrir les gens c'est basiquement les aider à pas mourir (oui, oui, c'est exactement à ça que ça sert, manger), mais en plus tu te tues à la tache en essayant qu'ils y prennent leurs pieds, tu veux les rendre heureux aux moins 10-15 minutes dans leur journée, sur 24 heures c'est pas grand-chose, mais c'est ce que tu fais, tu les aides à vivre.
Même que pour leurs trente petites secondes de soupirs satisfaits, tu te donnes quinze heures dans la journée, tu te fais mal au bras, et eux ils oublient, retournent au travail, à leurs vies et aux choses vraiment importantes. Et toi tu restes derrière tes fours, tu vis pour qu'ils puissent souffler au moins pendant ces trente MINUSCULES secondes, ça marche pas toujours, tu le sais, mais quand ça marche ton vrai salaire se trouve là.
Alors oui, t'as mal au bras, Tim, mais t'as mieux à faire et BASTA!
Seulement t'en as parlé à une amie infirmière, elle t'a fait peur, un peu, elle a parlé caillot, leucémie, "t'inquiètes c'est surement rien, mais vas consulter, mieux vaut prévenir que guérir, bla-bla-bla..."
Hem, merde, ça fait un peu flipper quand même, alors tu prends un rendez-vous chez ton médecin que t'adores parce qu'il ne t'a jamais prescrit autre chose que du repos et du jus d'orange le matin, médecin que tu vois une fois tous les ans surtout pour ta "tendinite"» (y a rien à faire, m'sieur, désolé, ça vous fera 23 euros) et de la bobologie.
Mais là tu as un peu peur quand même, seulement tu dois repousser le rendez-vous "because boulot" que tu ne peux pas refuser, parce que sinon factures-pas-payées et la rue pour ta pomme, et ton toubib qui devait pas passer une très bonne journée t'engueule et te refuse un autre rendez-vous.
En fait, tu te dis que c'est ta faute, mais du coup tu te dis que tu te soigneras quand t'auras le temps, jamais en fait, jamais, jamais, alors tu fais l'autruche, tu bosses et tu fais le chimpanzé.
Et, tu sais quoi, Tim? Ton docteur sait peut-être pas que t'es derrière tes fours et que t'essaies de rendre la vie des gens un peu moins grises (c'est pas cinquante nuances de gris en moins, mais juste une ou deux ça te suffit, tu me dis que ça te rend heureux...), ton doc. le sait peut-être pas, mais nous, ici, on le sait, maintenant, oui, oui, on le sait.
Merci Docteur Tim.
Vraiment.
L'histoire c'est T. comme Tim, l'écriture c'est moi. Merci T. !
Ce billet est également publié sur le blog Alors Voilà.
Baptiste Beaulieu - Alors vous ne serez plus jamais triste Ed. Fayard
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