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La barrière sociale: la pire des barrières face à la dépression?

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SANTÉ - Le fait qu'un pilote cache sa maladie dépressive, qu'il hésite à se soigner et prenne un traitement de manière discontinue, a fait naître de multiples hypothèses, autant sur sa maladie que sur sa personnalité et sur les effets du traitement qu'il suivait.

Une question essentielle n'a pas été abordée: pourquoi le pilote a-t-il refusé de se soigner? Et d'une manière générale, qu'est-ce qui pousse quelqu'un à refuser la maladie et le traitement durable et prolongé pour y faire face. Ceci ne concerne pas que les maladies mentales, bien sûr. Toutes les familles et tous les médecins connaissent un diabétique se soignant mal, un hypertendu ne prenant pas son traitement ou quelqu'un négligeant des saignements répétés ou un amaigrissement prolongé.

Frein majeur au traitement thérapeutique, on parle alors de déni de la maladie. Et aussi, directement lié à ce déni, la mauvaise alliance thérapeutique, ce désaccord entre le patient et son médecin sur les objectifs de soins et la participation active aux soins.

Déni, mauvaise alliance et mauvaise compréhension représentent les éléments les plus classiques de la barrière au traitement.

Mais qu'en est-il de la dépression? La dépression représente le trouble le plus fréquent en matière de maladie mentale puisqu'une personne sur cinq fera dans son existence un épisode demandant des soins.

Or, trois barrières s'opposent clairement au traitement d'une dépression.

1- Le sujet minore souvent son état dépressif

Cette méconnaissance peut être liée aux symptômes de la dépression elle-même: lorsque la fatigue, l'insomnie et l'amaigrissement prédominent. Ne pas admettre une dépression peut aussi découler de toute une série de règles intimement gravées dans le fonctionnement du sujet: "il ne faut pas se laisser aller, la dépression est une maladie de gens qui s'écoutent..."

Par ailleurs, la primauté de la performance et le principe d'autonomie, font qu'un patient a beaucoup de mal à aborder ses difficultés psychiques avec quelqu'un d'autre. Il redoute de se dévoiler et d'endurer une subtile mise à l'écart, quand ce n'est pas l'ironie de son entourage. D'autre part, la perception très ambivalente de tous les médicaments psychotropes rend les patients craintifs d'en devenir dépendants, de perdre la maîtrise sur leur existence. Or, des études parues dans les meilleures revues médicales montrent que moins prescrire les antidépresseurs s'accompagne d'un taux de suicide plus important au niveau d'une population (1).

2 - Une autre barrière découle du manque d'infrastructures et de collaboration

Même si des centres experts pour les diagnostics de la dépression se sont développés dans les villes universitaires, le maillage des psychiatres -comme celui des psychologues, dans des départements ou dans des régions rurales- demeure tout à fait insuffisant. Il y a encore peu de structures sur le territoire qui développent des dispositifs de soins partagés entre médecins généralistes et psychiatres, ou des centres de thérapie brève.

Ceci explique pourquoi il est si difficile de mettre en place des traitements combinés, associant les psychothérapies indispensables dans toute dépression et des traitements médicamenteux, eux aussi indispensables dans les dépressions sévères.

3 - La barrière sociale reste la pire

On préfère parler de "burn-out" plutôt que de dépression. Toute personne déprimée encourt le risque d'être considérée comme imprévisible, moins fiable, moins performante. Certains métiers pourraient être interdits aux sujets ayant eu des antécédents de dépression, car exigeant une maitrise de soi et des responsabilités majeures. Un pilote d'avion, un conducteur d'autobus éviteront de parler d'une dépression par crainte d'un licenciement.

Mais où situe la limite, si l'on pense que les êtres humains ne peuvent être débordés ni par leurs émotions, ni par leur tristesse? Le terme de "lutte contre la stigmatisation des maladies mentales" n'est intégré ni par les médias, ni par les politiques et trop peu revendiqué par les associations de patients, contrairement aux Etats Unis.

Le traitement sensationnel du fait-divers ou de la catastrophe n'est pas contre-balancé par une réflexion sur les progrès de la psychiatrie et des dispositifs de soins.

Dans les classements des hôpitaux, il est exceptionnel de voir figurer les services traitant les maladies mentales, alors que ces dernières concernent tout citoyen. Des études montrent que les jeunes médecins montrent moins d'empathie vis-à-vis de leurs patients, lorsque ceux-ci souffrent de maladie mentale (2).

Enfin, rares sont les célébrités, telle Françoise Giroud, qui osent avouer leur dépression ou parler de leur geste suicidaire.

La barrière sociale reste donc - sans doute- la pire. Elle contribue à laisser la personne souffrant de dépression dans un état de doute, de crainte et d'hésitation devant le soin, antidépresseur ou psychothérapie. Elle la fragilise en la confinant dans le silence et le repli social.

Oser dire que l'on souffre d'une affection mentale, et même revendiquer la possibilité de l'exprimer et le droit à la considération sociale, devient l'un des enjeux majeurs de la société du XXIe siècle.

Notes:
(1) Friedman R.A. Antidepressants' Black-Box Warning - 10 years Later
N Engl J Med October 30 , 2014, 371 , 18 pp 1666-1668
(2) Neauport A1, Rodgers RF, Simon NM, Birmes PJ, Schmitt L, Bui E.. Effects of a psychiatric label on medical residents' attitudes See comment in PubMed Commons belowInt J Soc Psychiatry. 2012 Sep;58(5):485-7


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