EMPLOI - Pourquoi les auteurs ne peuvent-il pas ouvrir des droits à l'allocation chômage? Pourquoi chaque mois dois-je mentir à Pôle Emploi, lorsque je déclare ne pas avoir travaillé? Je suis resté inscrit alors que je n'ai pas droit aux allocations. Depuis un an, en plus des livres publiés que j'écris et traduis, pour lesquels on me verse des droits d'auteur, je suis également lecteur: un métier que nombre des lecteurs de cette tribune ne connaissent sans doute pas.
En deux mots: je suis une sorte de critique littéraire pour les maisons d'éditions qui m'envoient des livres en anglais, espagnol, français, des romans et des essais. Je les lis et j'écris un rapport de lecture. Les éditeurs font appel aux lecteurs pour avoir un avis extérieur et pour faire des choix de publication, mais aussi parce qu'ils ne maîtrisent pas toujours les langues et parce qu'ils croulent sous les propositions. Les lecteurs, ou lectrices, sont également payés en droits d'auteur.
Lorsque j'écris des chroniques pour des journaux, on me rémunère aussi en droits d'auteur: par exemple Le Monde diplomatique m'avait rémunéré en droits d'auteur pour la commande d'une fiction (je ne suis pas journaliste): une nouvelle sur Buenos Aires. Mensuellement je travaille donc de nombreuses heures (sans compter le temps consacré aux démarches, tâches administratives... à l'écriture de tribunes comme celle-ci, qui m'aura pris six heures, temps de travail d'investigation inclus).
J'ai donc écrit au Service Auteurs de l'Agessa (Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs), qui répond toujours rapidement, afin de leur poser la question suivante:
La réponse:
J'ai donc répondu:
La réponse de l'Agessa quelques minutes plus tard:
Je vous laisse juger de cette réponse et de ce parcours du combattant. Quelque part c'est pas mal: cela me fait encore un statut supplémentaire : auteur, traducteur, lecteur, chroniqueur, auto entrepreneur! Et chômeur, puisque je suis inscrit à Pôle Emploi, alors que je ne suis pas chômeur.
Quoiqu'il en soit, le conseil de l'Agessa est vain, puisque selon le site Service Public:
Je ne suis pas salarié, je n'ai pas de contrat de travail, pourtant je cotise à l'Agessa. Et en dehors de l'Agessa, toutes les autres cotisations, comme pour tous les salariés, sont déduites de mes droits d'auteur:
Et, le cas échéant, je paie des impôts.
Un salarié travaille 35 heures semaine (ou 1607 heures par an). Lire, traduire, écrire pour des maisons d'éditions qui me rémunèrent en droits d'auteur me prend largement le même nombre d'heures, voire beaucoup plus si j'ajoute donc le temps à démarcher, correspondre avec les éditeurs, et autres tâches liées au travail d'auteur au sens large.
Ensuite, en détective amateur bien aguerri, j'ai appelé Pôle Emploi, pour connaître leur vision des choses:
J'ai eu une personne très attentive et intéressée par mon cas (désespéré?!), par ma question insolite, et à qui en effet ma situation ne paraissait pas normale. Elle est allée se renseigner et a été très efficace et professionnelle, toute fière de m'annoncer que je peux déclarer mensuellement le nombre d'heures travaillées et le montant perçu, envoyer mes relevés de droits d'auteurs à Pôle Emploi -ce qui ne me permettra pas d'ouvrir des droits, encore moins de cotiser pour la retraite, puisque je suis non salarié. En rigolant, elle m'a dit que c'est comme pour les personnes qui ont le statut VDI (vendeur à domicile indépendant): "vous savez, ceux qui vendent par exemple des Tupperware"! Elle s'est empressée d'ajouter que bien sûr mon activité n'a rien à voir, mais comme elle a vu que je riais aussi, il n'y a pas eu de souci. D'une certaine façon, je suis un VDI! Dommage que je n'aie pas déclaré mensuellement depuis un an toutes mes heures de lecteur.
Elle n'a pas su me dire si ce serait pris en compte, rétroactif, et je lui ai dit que j'enverrai tous les relevés, au moins Pôle Emploi sera au courant. Par contre, si j'ai un jour un emploi salarié, mes déclarations mensuelles seront prises en compte : je n'ai pas cherché à savoir comment. En attendant, le fait de déclarer mensuellement à Pôle Emploi peut me permettre d'avoir droit à l'ASS (allocation solidarité). Elle était ravie d'apprendre quelque chose aujourd'hui et de pouvoir apporter des éléments de réponse à ma question ovni. Comme quoi on a une image faussée des fonctionnaires de Pôle Emploi.
Je parle de ces questions et de ce phénomène de façon plus étayée dans Pilonné, essai fictionnel publié aux Editions du Croquant en 2014, livre pour lequel j'ai naturellement touché des droits d'auteurs, déclarés aux impôts.
Les auteurs n'ont pas droit à un statut du genre intermittent du spectacle, se retrouvent dans une sorte de no man's land social, il est donc important de partager nos informations. Il serait intéressant de connaître le point de vue du Medef à ce sujet. On pourrait demander au gouvernement non seulement de ne pas abandonner le statut des intermittents mais de surcroît d'en inventer un pour les auteurs! Comme cela nous serons encore plus de fanfarons réunis à creuser la dette française! Intermittents, fonctionnaires, auteurs: même combat !
Je vais donc partager une information précieuse concernant l'ASS pour les auteurs, que je suis sans doute le seul à connaître en France (des détails dans Pilonné):
J'avais été au courant via l'ATLF (la très bonne Association des Traducteurs Littéraires de France). Selon le Décret n°84-343 du 7 mai 1984 que vous trouverez sur le site http://www.legifrance.gouv.fr/:
Voilà. J'y ai eu droit (je dois être un des seuls, depuis 1984) pendant neuf mois (pourquoi neuf mois, aucune idée !). Renseignez-vous, collègues auteurs, traducteurs, lecteurs..., auprès de Pôle Emploi. La première réaction sera un blanc de quelques secondes, puis ils finiront par trouver l'info dans un fond de tiroir. Pour ma part j'ai essayé une première fois, préparé un dossier énorme, ça a été refusé.
Puis, pugnace comme tout auteur devrait l'être, sinon autant déposer les... stylos!, quelques années plus tard j'ai retenté le coup: même réaction, et plusieurs semaines durant différentes personnes se sont renseignées, et lorsqu'elles ont vu que c'était légal m'ont demandé mon dossier. Il manquait toujours un document, ça a été quasiment refusé, mais j'ai finalement réussi, ça a été enfin accepté. Donc, d'après cette charmante personne que j'ai eu au téléphone il y a un instant, si je déclare mes heures mensuellement, je pourrai à nouveau y avoir droit: someday... my prince will come. Dommage que l'an passé, au moment où l'ASS a pris fin pour moi, personne ne m'ait dit à Pôle Emploi que je pouvais déclarer mes heures de travail.
Quoiqu'il en soit l'ASS est une sorte de coup de pouce pour les auteurs, qui n'ont pas la chance d'avoir ce beau statut sensé d'intermittent du spectacle. Mais surtout, une sorte de petite reconnaissance des heures travaillées: symboliquement c'est important, à défaut d'ouvrir des droits à Pôle Emploi. D'ailleurs, tout excité, ému, je viens de déclarer mes heures pour le mois de mai: ça fait bizarre -on se sent un peu comme un intrus et seul au monde- et ça donne chaud au cœur! Amis Auteurs, ne me laissez pas seul dans cette aventure!
Bonne chance!
En deux mots: je suis une sorte de critique littéraire pour les maisons d'éditions qui m'envoient des livres en anglais, espagnol, français, des romans et des essais. Je les lis et j'écris un rapport de lecture. Les éditeurs font appel aux lecteurs pour avoir un avis extérieur et pour faire des choix de publication, mais aussi parce qu'ils ne maîtrisent pas toujours les langues et parce qu'ils croulent sous les propositions. Les lecteurs, ou lectrices, sont également payés en droits d'auteur.
Lorsque j'écris des chroniques pour des journaux, on me rémunère aussi en droits d'auteur: par exemple Le Monde diplomatique m'avait rémunéré en droits d'auteur pour la commande d'une fiction (je ne suis pas journaliste): une nouvelle sur Buenos Aires. Mensuellement je travaille donc de nombreuses heures (sans compter le temps consacré aux démarches, tâches administratives... à l'écriture de tribunes comme celle-ci, qui m'aura pris six heures, temps de travail d'investigation inclus).
J'ai donc écrit au Service Auteurs de l'Agessa (Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs), qui répond toujours rapidement, afin de leur poser la question suivante:
Bonjour,
Une question, s'il vous plaît, que beaucoup d'auteurs doivent vous poser.
Peut-on déclarer nos droits d'auteurs à Pôle emploi, déclarer que l'on a travaillé ?
Je suis inscrit mais dis toujours que je n'ai pas travaillé, alors que je travaille.
J'écris, je traduis, et mensuellement je fais des rapports de lecture.
Je vous remercie pour votre réponse et vous souhaite une belle journée.
La réponse:
Bonjour
Les droits d'auteur ne sont pas à déclarer à pole emploi.
Cordialement, Service Auteurs
J'ai donc répondu:
Je vous remercie.
Je vais être plus précis dans ma question, si vous le permettez : je ne veux pas déclarer les droits d'auteur mais le nombre d'heures travaillées.
Donc, on ne peut pas déclarer le nombre d'heures?
Convertir en heures, car finalement c'est le même principe, je peux comptabiliser le nombre d'heures que je passe à écrire, traduire, et lire puisque je suis également lecteur.
D'une certaine façon lorsque je fais ma déclaration mensuelle à Pôle Emploi et déclare ne pas avoir travaillé: je mens!
Dans l'attente de votre réponse, je vous remercie à nouveau.
Cordialement
La réponse de l'Agessa quelques minutes plus tard:
Monsieur
Lorsque vous percevez des droits d'auteur, vous ne déclarez ni le montant perçu ni le nombre d'heure passées à écrire.
Concernant votre activité de lecteur(qui ne relève pas du champ d'application de l'agessa) vous devez vous inscrire à l'URSSAF en tant que auto entrepreneur et à ce moment vous déclarerez à pole emploi les revenus tirés de cette activités.
Cordialement, Service Auteurs
Je vous laisse juger de cette réponse et de ce parcours du combattant. Quelque part c'est pas mal: cela me fait encore un statut supplémentaire : auteur, traducteur, lecteur, chroniqueur, auto entrepreneur! Et chômeur, puisque je suis inscrit à Pôle Emploi, alors que je ne suis pas chômeur.
Quoiqu'il en soit, le conseil de l'Agessa est vain, puisque selon le site Service Public:
Sont exclus de l'assurance chômage dans tous les cas: l'auto-entrepreneur, qui ne peut pas être salarié. En l'absence de contrat de travail, l'entrepreneur ne peut pas cotiser à l'assurance-chômage, ni ouvrir de droits à une allocation chômage en cas de cessation d'activité.
Je ne suis pas salarié, je n'ai pas de contrat de travail, pourtant je cotise à l'Agessa. Et en dehors de l'Agessa, toutes les autres cotisations, comme pour tous les salariés, sont déduites de mes droits d'auteur:
- Contribution Sociale Généralisée
- Contribution au remboursement de la dette sociale
- Cotisation destinée à la formation professionnelle
Et, le cas échéant, je paie des impôts.
Un salarié travaille 35 heures semaine (ou 1607 heures par an). Lire, traduire, écrire pour des maisons d'éditions qui me rémunèrent en droits d'auteur me prend largement le même nombre d'heures, voire beaucoup plus si j'ajoute donc le temps à démarcher, correspondre avec les éditeurs, et autres tâches liées au travail d'auteur au sens large.
Ensuite, en détective amateur bien aguerri, j'ai appelé Pôle Emploi, pour connaître leur vision des choses:
J'ai eu une personne très attentive et intéressée par mon cas (désespéré?!), par ma question insolite, et à qui en effet ma situation ne paraissait pas normale. Elle est allée se renseigner et a été très efficace et professionnelle, toute fière de m'annoncer que je peux déclarer mensuellement le nombre d'heures travaillées et le montant perçu, envoyer mes relevés de droits d'auteurs à Pôle Emploi -ce qui ne me permettra pas d'ouvrir des droits, encore moins de cotiser pour la retraite, puisque je suis non salarié. En rigolant, elle m'a dit que c'est comme pour les personnes qui ont le statut VDI (vendeur à domicile indépendant): "vous savez, ceux qui vendent par exemple des Tupperware"! Elle s'est empressée d'ajouter que bien sûr mon activité n'a rien à voir, mais comme elle a vu que je riais aussi, il n'y a pas eu de souci. D'une certaine façon, je suis un VDI! Dommage que je n'aie pas déclaré mensuellement depuis un an toutes mes heures de lecteur.
Elle n'a pas su me dire si ce serait pris en compte, rétroactif, et je lui ai dit que j'enverrai tous les relevés, au moins Pôle Emploi sera au courant. Par contre, si j'ai un jour un emploi salarié, mes déclarations mensuelles seront prises en compte : je n'ai pas cherché à savoir comment. En attendant, le fait de déclarer mensuellement à Pôle Emploi peut me permettre d'avoir droit à l'ASS (allocation solidarité). Elle était ravie d'apprendre quelque chose aujourd'hui et de pouvoir apporter des éléments de réponse à ma question ovni. Comme quoi on a une image faussée des fonctionnaires de Pôle Emploi.
Je parle de ces questions et de ce phénomène de façon plus étayée dans Pilonné, essai fictionnel publié aux Editions du Croquant en 2014, livre pour lequel j'ai naturellement touché des droits d'auteurs, déclarés aux impôts.
Les auteurs n'ont pas droit à un statut du genre intermittent du spectacle, se retrouvent dans une sorte de no man's land social, il est donc important de partager nos informations. Il serait intéressant de connaître le point de vue du Medef à ce sujet. On pourrait demander au gouvernement non seulement de ne pas abandonner le statut des intermittents mais de surcroît d'en inventer un pour les auteurs! Comme cela nous serons encore plus de fanfarons réunis à creuser la dette française! Intermittents, fonctionnaires, auteurs: même combat !
Je vais donc partager une information précieuse concernant l'ASS pour les auteurs, que je suis sans doute le seul à connaître en France (des détails dans Pilonné):
J'avais été au courant via l'ATLF (la très bonne Association des Traducteurs Littéraires de France). Selon le Décret n°84-343 du 7 mai 1984 que vous trouverez sur le site http://www.legifrance.gouv.fr/:
Bénéficient de l'allocation de solidarité spécifique définie à l'article L. 351-10 du code du travail, dans les conditions et selon les modalités fixées par le décret du 29 mars 1984 et le décret du 7 mai 1984 susvisés et sous réserve des dispositions du présent décret :
Les artistes auteurs d'œuvres, mentionnés au titre V du livre VI du code de la sécurité sociale, ainsi que les artistes du spectacle qui ne sont pas réputés salariés au sens de l'article L. 762-1 du code du travail, à condition qu'ils justifient de leur professionnalité et qu'ils aient retiré de l'exercice de cette profession des moyens d'existence réguliers pendant au moins trois ans.
Voilà. J'y ai eu droit (je dois être un des seuls, depuis 1984) pendant neuf mois (pourquoi neuf mois, aucune idée !). Renseignez-vous, collègues auteurs, traducteurs, lecteurs..., auprès de Pôle Emploi. La première réaction sera un blanc de quelques secondes, puis ils finiront par trouver l'info dans un fond de tiroir. Pour ma part j'ai essayé une première fois, préparé un dossier énorme, ça a été refusé.
Puis, pugnace comme tout auteur devrait l'être, sinon autant déposer les... stylos!, quelques années plus tard j'ai retenté le coup: même réaction, et plusieurs semaines durant différentes personnes se sont renseignées, et lorsqu'elles ont vu que c'était légal m'ont demandé mon dossier. Il manquait toujours un document, ça a été quasiment refusé, mais j'ai finalement réussi, ça a été enfin accepté. Donc, d'après cette charmante personne que j'ai eu au téléphone il y a un instant, si je déclare mes heures mensuellement, je pourrai à nouveau y avoir droit: someday... my prince will come. Dommage que l'an passé, au moment où l'ASS a pris fin pour moi, personne ne m'ait dit à Pôle Emploi que je pouvais déclarer mes heures de travail.
Quoiqu'il en soit l'ASS est une sorte de coup de pouce pour les auteurs, qui n'ont pas la chance d'avoir ce beau statut sensé d'intermittent du spectacle. Mais surtout, une sorte de petite reconnaissance des heures travaillées: symboliquement c'est important, à défaut d'ouvrir des droits à Pôle Emploi. D'ailleurs, tout excité, ému, je viens de déclarer mes heures pour le mois de mai: ça fait bizarre -on se sent un peu comme un intrus et seul au monde- et ça donne chaud au cœur! Amis Auteurs, ne me laissez pas seul dans cette aventure!
Bonne chance!
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