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Décès de Ginette Raimbault: parlons du deuil

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Elle a consacré sa vie à décortiquer les mystères du deuil et aujourd'hui, c'est nous qui sommes en deuil. Elle, c'est la psychanalyste Ginette Raimbault, morte le 19 février dernier. Nous, ce sont ceux qu'elle a formés ou analysés, les enfants et les parents qu'elle a accompagnés, les amis de sa génération qui disparaissent aussi.

Sa génération est celle des premiers lacaniens: Jenny Aubry, Françoise Dolto, Maud Mannoni, pour ne citer qu'elles, sans omettre son grand ami bien vivant Mustapha Safouan. Plus intéressée par ses travaux que par les querelles d'école, elle est restée fidèle à Jacques Lacan qui avait été son psychanalyste sans qu'il exerce sur elle le moindre effet gourou. L'estime était réciproque mais lointaine.

Jusqu'à sa retraite, elle a partagé son temps entre l'hôpital des Enfants Malades et son cabinet. Le professeur Royer, successeur du professeur Robert Debré l'a accueillie dans son service dit "de pointe" où elle est devenue directrice de recherche à l'INSERM. Elle était de plain-pied avec les médecins chercheurs dont la psychanalyse était le cadet des soucis. Sa personnalité et ses travaux les ont patiemment convaincus et les psychologues en poste dans les services hospitaliers ne savent pas que c'est elle qui a frayé la voie. Ginette Raimbault savait écouter en "donnant la parole": aux pédiatres dans Médecins d'enfants (Seuil) ; aux enfants sur le point de mourir ou ayant perdu un parent, dans L'enfant et la mort (Privat), enfants condamnés au silence officiel car personne n'était capable de supporter de les entendre. A bien d'autres encore. Elle théorisait ensuite dans l'échange avec d'autres psychanalystes comme Guite Guérin ou Radmila Zygouris.

Enigmatique au point d'être parfois comparée à un sphinx, élégante à tous les sens du terme, séductrice aussi, je ne sais pas qui pouvait se dire proche d'elle. L'ayant vu tous les jours à l'hôpital entre 1972 et 1990, ayant publié et voyagé avec elle, ayant tout appris d'elle par la grâce de sa générosité non envahissante, je n'aurais pas cette prétention. Dans un de ses derniers livres Parlons du deuil (Payot), publié après la mort de son mari et le seul où elle parle explicitement d'elle, on peut lire:

"Oscillant entre le désir de plaire et la crainte de l'attachement, je restai apparemment 'indifférente'. Plusieurs qualificatifs me désignaient comme étrange, réservée ou plus radicalement 'muette comme une tombe'! En retour, et pour me protéger, je m'employais à faire 'comme si'... comme si rien ne me touchait vraiment. En fait, il ne s'agissait ni de froideur ni d'indifférence, mais de la nécessité d'habiter un monde suffisamment lisse, impersonnel et protecteur non pas vis-à-vis de la mort (...) mais de la séparation qu'elle inflige avec la disparition de l'autre. Bref, j'étais en deuil. Mon engagement dans la psychanalyse a été imprégné de ce thème. Je dois à Jacques Lacan d'avoir repris pied dans la vie quotidienne".


Nous lui devons une oeuvre singulière que nous ne sommes pas prêts d'oublier.

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