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Peu de femmes dans les postes à responsabilité : discrimination, autocensure ou moindre performance?

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En France, les femmes occupent moins de postes à responsabilité que les hommes, tous secteurs confondus. Cela s'explique en grande partie du fait de caractéristiques observables (niveau de qualification, filière d'éducation). Pourtant, une partie non négligeable de cet écart reste inexpliqué. Pourquoi les femmes sont-elles moins promues : sont-elles discriminées, se censurent-elles elles-mêmes ou sont-elles simplement moins performantes ? Une étude* du LIEPP (laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques) a répondu à ces questions au travers d'une analyse menée dans le monde universitaire français.

Moins de femmes que d'hommes dans les postes à responsabilité

Comme le rappelait le rapport Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ?, les femmes ne représentent que 12 % des emplois de direction dans le secteur public, 17 % des dirigeants d'entreprise et 24 % des membres des conseils d'administration du CAC40. L'étude du LIEPP rappelle que, si les écarts de taux d'emploi et de salaires à poste donné ont beaucoup diminué entre hommes et femmes au cours des dernières décennies, « beaucoup reste à faire en ce qui concerne les écarts de postes atteints ». Si les femmes gagnent en moyenne brute 25 % de moins que les hommes, cette différence s'explique en grande partie par des caractéristiques observables : âge, niveau et surtout filière d'éducation : les femmes choisissent des filières moins rémunératrices que les hommes. Pourtant l'étude souligne que, à caractéristiques identiques, l'écart salarial demeure de 7 % environ et reste « non expliqué ».

Pourquoi ?

L'étude du LIEPP fournit une réponse pour expliquer cet écart : les postes occupés par les femmes et les hommes sont différents, ce qui signifie qu'à âge, niveau et filière d'éducation donnés, les femmes atteignent beaucoup plus difficilement que les hommes les postes plus élevés.

Trois hypothèses sont formulées pour expliquer cette différence de postes atteints :

  • soit les femmes sont victimes de discrimination lors de la procédure de recrutement ou de promotion ;

  • soit elles sont moins performantes que les hommes lors de ces procédures ;

  • soit elles candidatent moins souvent que les hommes aux postes à responsabilité. Rappelons que les postes hiérarchiquement très élevés impliquent des temps de travail très longs qui sont plus difficilement conciliables avec une vie de famille qui est souvent à la charge des femmes.




Une étude menée dans le monde universitaire français

Pour comprendre les mécanismes qui conduisent à une moindre promotion des femmes, le LIEPP a analysé un marché du travail particulier, celui du milieu académique français de l'économie, car il constitue l'un des rares secteurs où les informations sur les candidats et leurs compétences sont disponibles**.

Le constat est identique à celui qui peut être fait dans le secteur privé : les femmes ne représentent qu'une petite part des postes à responsabilité (en l'espèce, enseignants-chercheurs et des chercheurs au CNRS) d'une part, et la probabilité d'obtenir la promotion est beaucoup plus faible pour les femmes, d'autre part. Or, la différence d'écarts de poste est expliquée à plus de 70 % par deux caractéristiques : l'âge des femmes (souvent plus jeunes) et leurs plus faibles scores de publication. Le reste, c'est-à-dire 20 à 30 % de l'écart, « est lié au simple fait d'être une femme ».

L'étude du LIEPP va à l'encontre de deux idées reçues : si les femmes occupent moins de postes à responsabilité que les hommes, ce n'est pas parce qu'elles sont discriminées lors des concours de promotion, ni qu'elles les réussissent moins bien, mais parce qu'elles postulent beaucoup moins à ces postes (30 à 40 % de moins que les hommes !).

Pourquoi les femmes candidatent-elles moins ?

L'étude du LIEPP a testé plusieurs hypothèses, dont deux n'ont pas été vérifiées : « le coût de candidature et de promotion serait plus grand pour les femmes que pour les hommes » ou encore « les femmes font un arbitrage différent de celui des hommes entre le salaire et le prestige de l'université dans laquelle elles travaillent ».

Les explications qui restent sont les suivantes : une anticipation d'une discrimination par les femmes (même si aucune discrimination effective n'est apparue) ou un moindre goût des femmes pour la compétition. Cette dernière explication a déjà été suggérée par des études expérimentales, de même que l'idée que les femmes manquent de confiance en elles dans le monde du travail.

Quelles conclusions pour les politiques publiques ?

Les auteurs s'interrogent enfin sur la mesure dans laquelle leurs conclusions sont extensibles au secteur privé et soulignent qu' « une absence totale de discrimination au moment du choix de la personne promue parmi les candidats ne suffirait pas à augmenter largement le taux de promotion des femmes » : il faut demander aux entreprises de mettre en œuvre des politiques plus volontaires comme diffuser publiquement la proportion de femmes candidates aux promotions proposées et comparer ces chiffres au pourcentage de femmes de rang inférieur dans l'entreprise et dans le secteur d'activité, afin d'encourager les femmes à prendre davantage d'initiatives pour être promues et leurs supérieurs à prendre conscience de l'importance d'encourager leurs candidatures.

L'Institut Montaigne a déjà eu l'occasion de relever l'importance cruciale de l'enseignement primaire et secondaire dans la lutte contre les différences de genre, et notamment dans la lutte contre l'autocensure. Le rapport Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ? formulait ainsi plusieurs propositions pour renforcer l'égalité des chances dans l'ensemble du système éducatif :

  • sensibiliser, dans l'enseignement secondaire, les élèves et équipes pédagogiques à la diversité des parcours de réussite et pour :
    1. améliorer leur connaissance du marché du travail ;

    2. lutter contre les stéréotypes qui freinent les ambitions des collégiens et limitent leur découverte de pistes d'orientation ;

  • introduire dès le collège des cours d'orientation dispensés par des enseignants ou professionnels extérieurs à l'Éducation nationale connaissant le monde de l'entreprise.



L'étude du LIEPP propose également plusieurs pistes d'action à plus court terme, qui proposent de « changer la façon dont est décidée l'entrée dans le processus de promotion/compétition » en :

  • développant un système de mentoring pour chaque employé(e) qui le proposerait comme candidat aux promotions ;

  • rendant automatiques les candidatures aux promotions à partir d'un certain nombre d'années, en laissant le choix aux personnes de ne pas être candidats ;

  • diffusant les taux de candidature et d'obtention des promotions.



Poursuivre les travaux de recherche qui, comme celui du LIEPP, permettent d'identifier précisément quels sont les facteurs qui limitent la promotion de la diversité dans l'emploi, est un levier essentiel pour répondre au mieux aux enjeux de cohésion sociale et ainsi améliorer l'efficacité de l'action publique.

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* Clément Bosquet, Pierre-Philippe Combes, Cecilia Garcia-Peñalosa, « Pourquoi les femmes occupent-elles moins de postes à responsabilité ? Une analyse des promotions universitaires en économie », LIEPP, Policy brief, n°14, octobre 2014.
** L'étude du LIEPP a porté :
- sur les enseignants chercheurs à l'université de la section 5 (sciences économiques) du Conseil national des universités, une des six sections pour lesquelles il existe un concours d'agrégation du supérieur qui permet de devenir professeur des universités lorsqu'on est maître de conférences ;
- sur les chercheurs de la section 37 (économie et gestion) du CNRS, où des chargés de recherche candidatent également à un concours national pour devenir directeur de recherche.
L'étude souligne que ce domaine permet d'obtenir des informations, non seulement sur les candidatures et lauréats des concours de promotion, mais aussi la liste de chercheurs qui en seraient les candidats potentiels ainsi qu'un certain nombre de mesures individuelles de compétences.

Lire le rapport complet Dix ans de politique de diversité: quel bilan?


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